Les formes d’un soupir
de Hubert Antoine

critiqué par Pucksimberg, le 25 juillet 2023
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Récit construit à partir du témoignage de l'esprit d'une femme assassinée
Melitza est morte, assassinée par des policiers pendant l’insurrection d’Oxoaca au Mexique. Son père, grâce à une expérience hallucinogène entend sa voix et relate ce que l’esprit de sa fille confie sur sa mort et sur ce que fera de son corps l’homme mystérieux et beau qu’elle aimait, Evo. Ce roman devient un passionnant road movie dans lequel Evo va rencontrer plein de personnages et accompagner Melitza dans son dernier voyage. Précisons que le dernier souffle de la jeune femme est enfermé dans un préservatif qui l’accompagne aussi dans ce voyage chamanique.

Le roman n’est pas présenté comme la suite de « Danse de la vie brève », mais c’est le cas. Nous retrouvons les mêmes personnages, la même histoire et le roman s’ouvre sur la fin du précédent. Pourtant les deux romans sont construits avec intelligence et peuvent se lire séparément. C’est une très belle découverte de savoir que l’on va retrouver les mêmes personnages. J’avais adoré le précédent roman qui avait reçu le prix Rossel en 2016.

La plume de Hubert Antoine a beaucoup de charme et emporte son lecteur. Il allie humour et poésie, sensualité et sérieux. Malgré certaines scènes dures, l’auteur n’opte jamais pour le pathétique et désamorce toujours ces scènes de tension avec une touche d’humour ou d’optimisme. Les chapitres sont courts et permettent de dynamiser le récit. Il y a un côté aventurier dans ses romans, tout en proposant de s’immerger dans un Mexique que nous ne connaissons pas particulièrement. Ses personnages sont attachants et n’ont pas toujours les réactions qu’on aurait imaginées. Le lecteur est confronté à des croyances qui ne sont pas les siennes et il y a une certaine poésie à découvrir une autre façon de voir le monde. Evo est toujours aussi énigmatique et centralise l’intérêt du lecteur. Ce père mexicain qui se voit le secrétaire de sa fille, du moins des confidences post-mortem de celle-ci est touchant aussi et possède une belle capacité à relativiser. De temps à autre, il intervient dans le récit dans des passages entre crochets et en italique, ce qui permet de passer dans une autre instance temporelle, celle du récit cadre.

Le roman se lit facilement et est très séduisant. Hubert Antoine a su créer un univers fascinant et des personnages attachants. Sa plume est belle, pleine de vitalité et de bonne humeur. Malgré certains épisodes douloureux, il y a toujours une espèce de gaieté qui point et qui embellit le réel. Le Mexique qu’il dépeint est violent, corrompu, spirituel et sensuel. Il y a de la poésie dans de nombreux détails. Ce roman pourrait être une belle lecture d’été car il permet de voyager, mais il possède des qualités littéraires évidentes que certains romans faciles estivaux n’ont pas.