Comme si de rien n'était
de Alina Nelega

critiqué par JPGP, le 1 juin 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Nelega prête à tout
Le roman d’Alina Nelega, comme d’ailleurs la tra­jec­toire de l’auteure roumaine, montre que rien n’empêche d’oser et qu’il faut vaincre les peurs et les menaces que idéo­lo­gie et culture font peser sur les êtres et par­ti­cu­liè­re­ment les femmes. Et ce, là où ce long et grand roman com­mence : à savoir sous la chape sovié­tique, la dic­ta­ture de Ceau­sescu Le tout dans une petite ville de pro­vince de Roumanie.

L’auteure prouve que tout res­pect est imbé­cile car c’est celui du néant, accom­pli dans la sou­ve­rai­neté de la mort du vivant. Si bien que ce roman est un flot de paroles qui se libèrent face à ceux (et celles) qui veulent empê­cher le cœur de battre quitte à accu­ser les “justes” d’ineptie et d’infamie. C’est vieux comme le monde, mais une telle fic­tion per­met d’élever la voix fémi­nine et les­bienne de l’héroïne contre ceux qui la condamnent.

Le roman remonte ainsi toute l’existence de deux femmes avec abon­dances de détails (cer­tains peuvent échap­per à qui connaît mal l’histoire et la géo­gra­phie rou­maines) pour mon­trer la vie dans ses plis et sans un parti pris sys­té­ma­tique. Car si thèse il y a — et en tout récit il en existe une — elle passe ici plus par la langue que par assi­gna­tion d’une morale rhé­to­rique.

L’auteure raconte pour mon­trer com­ment les poches de résis­tances (Secu­ri­tate, Parti, qui orga­ni­saient pénu­rie et cor­rup­tion hier comme des forces qui leur res­semblent aujourd’hui) fonc­tionnent pour mettre la liberté en péril. Celle-ci est d’abord et tou­jours indi­vi­duelle : si bien qu’elle n’est jamais acquise.

Jean-Paul Gavard-Perret