La Horde
de Marie Favereau

critiqué par Colen8, le 27 mai 2023
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Puissance géopolitique médiévale
Le régime nomade de l’empire de Gengis Khan a migré vers l’ouest de la Mongolie lorsque son fils ainé Jochi s’en est détaché avec quelques milliers de guerriers et leurs familles pour fonder la Horde. Devenue à son tour puissance impériale au fil des siècles suivants et de l’expansion des générations celle-ci a fini par asseoir sa domination politique et économique jusqu’en Hongrie et en Moldavie aux portes de l’Europe. Ses conquêtes avaient traversé le Caucase du bassin de la Volga donnant sur la Mer Caspienne à ceux du Dniepr et du Don débouchant sur la Mer Noire en englobant la Crimée. Trois siècles durant cette saga gengiskhanide s’imposera jusqu’à représenter le plus grand empire d’un seul tenant territorial au monde.
L’efficacité de son administration auprès des peuples locaux, son pragmatisme sans ingérence ni dans leurs coutumes ni dans leurs croyances, ses liens séculaires avec les autres hordes familiales occupant les régions orientales ont été la clé d’échanges commerciaux fructueux allant de l’Italie à la Chine. Génois et Vénitiens, Empire byzantin, Chevaliers Teutoniques de la Ligue Hanséatique, Turcs Seldjoukides, Mamelouks égyptiens et bien d’autres ont été parties prenantes d’échanges pour les fourrures du grand nord, le sel, les captures d’esclaves, les produits de luxe. Sans s’impliquer dans la production la richesse mongole émanait des taxes exigées en contrepartie d’infrastructures assurant protection et sécurité aux marchands. Ainsi elle pouvait entretenir des armées conséquentes d’une extrême mobilité avec tout l’équipement pour faire le siège des cités autonomes.
Forts de leurs héritages immédiats gréco-judéo-romains, les Européens de l’ouest se sont pensés longtemps supérieurs aux autres Eurasiens. Le regard des historiens contemporains s’est renversé à mesure de leurs recherches. La Horde leur apparaît comme un cas unique de nomades s’imposant durablement à des sédentaires. La grande souplesse de sa diplomatie lui a servi tantôt pacifiquement par les mariages de princesses, si nécessaire par des guerres destinées à mettre au pas les récalcitrants, à éliminer des successeurs indésirables ou à élargir les territoires requis pas sa démographie croissante. En Russie, c’est elle qui a favorisé l’émergence de la principauté de Moscou au détriment des autres, et ce bien avant l’arrivée au pouvoir des Romanov, qui ouvre une autre page d’histoire. En Asie centrale, les Tatars, Ouzbeks et Kazakhs peuvent en revendiquer l’ascendance.
Les apports uniques de la Horde mis en avant par une auteure spécialiste de l’époque et des espaces concernés sont destinés à faire tomber pas mal d’idées reçues sur cette histoire longtemps présentée comme barbare et terrifiante par les témoins occidentaux. Ça a été au contraire une expérience singulière très ouverte, ayant favorisé le commerce et les arts. Une généalogie simplifiée, un index des noms propres, quelques cartes significatives, un glossaire des termes repris du mongol médiéval ou translittérés des autres langues usuelles parlées régionalement aident à ne pas se perdre dans cette reconstitution utile à la géopolitique actuelle.