La Pyramide de Ismail Kadare

La Pyramide de Ismail Kadare
( Pluhuri mbreteror)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Sahkti, le 9 novembre 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 284ème position).
Visites : 4 940  (depuis Novembre 2007)

Violente métaphore

L'édification de la pyramide de Chéops est l'héroïne de ce livre mais derrière elle, à sa place devrais-je dire, c'est surtout la dénonciation des totalitarismes et les rouages de la dictature qui sont exposés par Kadaré.
Très belle métaphore sur l’asservissement jusqu’à la mort, on devine derrière les barrières égyptiennes que Kadaré parle de lui, d’un peuple, d’un régime, qu’il dénonce l’insupportable en le glissant sous des airs de roman pseudo-historique.
Un roman qui effraie un peu, car les pyramides sont souvent associées à l’image de la beauté et on a tendance à oublier que pour arriver à cela, des dizaines d’hommes, cravachés à longueur de journée, y ont laissé la vie. Ces impressions colossales donnent une idée de la grandeur (et de la mégalomanie) de ceux qui ordonnèrent la construction de tels édifices, entraînant avec eux (et leur folie) tout un peuple. Un rêve fou, la plus haute pyramide du monde, tel est ce projet démentiel, à l’image en effet de ces bâtiments sinistres que l’on trouve en Albanie (ou ailleurs). Une œuvre qui met une population entière au travail, un travail d’esclave que Kadaré dénonce.
Sans doute pas le meilleur roman de Kadaré, il est lourd et pesant par moments mais cela est dû à cette ambiance d’oppression que l’on retrouve à chaque page.

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Chéops

6 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 3 décembre 2008

« Les rapports des ambassadeurs en poste dans les pays d’Orient évoquaient de grandioses travaux hydrauliques mésopotamiens dont les proportions, selon la rumeur, étaient sans commune mesure avec le profit économique qu’on en tirait. S’il en était bien ainsi, et c’était probablement le cas, l’Egypte devait elle aussi trouver quelque moyen de consumer le surcroît d’énergie de sa population. Entreprendre une oeuvre qui passât l’imagination, dont les effets seraient d’autant plus débilitants et anémiants pour ses habitants qu’elle serait plus colossale. Bref, quelque chose d’épuisant, de destructeur pour le corps et l’esprit, et d’absolument inutile. Ou, plus exactement, une oeuvre aussi inutile pour les sujets qu’elle serait indispensable à l’Etat. »

Voilà le postulat de base d’Ismaïl Kadaré sur les motivations profondes qui incitèrent les pharaons d’Egypte à lancer ces projets insensés de construction de pyramide : absorber le surcroît d’énergie de la population. Et donc notamment pour Chéops, qui ne souhaite pas lancer une telle oeuvre – c’est ainsi que s’ouvre le roman – et qui s’y résout suite aux explications donnés par ses conseillers.
Difficile de ne pas voir le parallèle tissé entre l’asservissement, la « débilitation » du peuple égyptien dans cette entreprise et le même état d’asservissement dans lequel sont maintenus les albanais à l’époque.
Réjouissant de lire le versant « Kadaré » sur l’Egypte, les pharaons et les pyramides par rapport, par exemple, à un versant plus populaire tel les ouvrages d’un Christian Jacq. La différence est abyssale entre les versions limite conte pour enfants où les gentils sont … gentils et la vie merveilleuse, de Christian Jacq, et cet univers impitoyable, féroce, probablement beaucoup plus en rapport avec l’époque concernée, d’Ismaïl Kadaré.
C’est que le lancement du projet de construction d’une pyramide, puis sa réalisation sur de très nombreuses années signifiait des années de douleurs, de privations, de répression pour le peuple égyptien, des morts à foison, sur les chantiers, du fait de la raison d’Etat, … On en prend conscience en lisant cette « pyramide » mais leur élévation, comme celles des cathédrales, probablement, plus tard, se sont faites sur des vies et des destins broyés. On aurait tendance à oublier ceci, de nos jours, dans nos contrées favorisées. Ismaïl Kadaré, lui, opprimé qu’il est à l’instar du peuple albanais le vit quotidiennement et en a la certitude tranquille. Le pouvoir de vie ou de mort sur les sujets, les décisions définitives qui tombent d’en haut sans possibilité de discussion, il connait.
Donc Kéops a décidé de construire une pyramide, la plus haute de toutes déja construites, et le roman nous raconte son édification. Et tout ce qui tourne autour et s’y rapporte. Folie du pouvoir, pouvoir absolu, abolue folie ? Il serait intéressant de pouvoir faire la part de ce qu’on tient pour probable à l’heure actuelle de ces évènements et de ce qui est né dans l’imagination de Kadaré ?
La fin est un peu bizarre, avec un parallèle réalisé avec une pyramide de têtes coupées, la « Crânaille », montée en Asie Centrale par un autre type de potentat. On a un peu l’impression qu’après avoir traité de l’histoire de la pyramide elle-même Ismaïl Kadaré s’est retrouvé dépourvu et a terminé tant bien que mal ?
Mais que cette vision de douleur et de sang des conditions dans lesquelles se sont probablement édifiées les pyramides et fortes, et loin des images d’Hollywood ou de Christian Jacq, est puissante

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