Tôt ce matin
de Pedro Mairal

critiqué par Sahkti, le 9 novembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Cruelle Argentine
Douze nouvelles, douze récits désordonnés et rythmés qui ont l’Argentine en toile de fond et un jeune homme qui traverse le pays en voiture déglinguée. L’Argentine et ses mystères, son charme, ses couleurs et ses ombres. Un pays qu’on suit à la trace à travers les siens, au gré de leurs infortunes, de leurs amours, de cette vie parfois si tendre ou si cruelle avec laquelle ils doivent composer. Un sujet que Pedro Mairal manie sur le bout des doigts tant son écriture regorge de sincérité et de simplicité. C’est sans doute là que réside le charme de ce recueil car en soi, il ne raconte rien d’extraordinaire, pas d’intrigue prenante ou de style littéraire inoubliable. Juste des parcours, des histoires, des regards posés sur des destins qui tournent. Décrites parfois avec un certain lyrisme et une pointe d’humour mais la cruauté et la médiocrité ne sont jamais très loin dans ces quotidiens surfant entre la misère et l’espoir.
Pedro Mairal nous présente ses héros, des êtres fatigués ou à la recherche d’une âme (quelle belle nouvelle caustique par exemple que celle de cette vieille dame qui a économisé sou par sou pendant des années pour s’offrir un voyage en Grèce, "Le voyage du Professeur Bellini"), des souvenirs qui se retrouvent et s’aperçoivent qu’ils se préféraient avant, des amitiés qui reçoivent des coups et des rapports amoureux baignant dans l’hypocrisie. Ces nouvelles sont teintées d’une cruauté étonnante, sur un ton joyeux, une espèce d’humour noir qui fait sourire et effraie en même temps par la pointe acérée qu’il dépose sur certains aspects de nos vies d’êtres humains.