Errare
de Romain Noël

critiqué par JPGP, le 19 mai 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Généalogie de l’écrivain - Romain Noël
Généralement les Editions Fata Morgana publient des écrivains reconnus. Romain Noël déroge à la règle et une telle distinction est significative. A 23 ans l’auteur présente un texte impressionnant. Un peu perdu dans de spécieuses études de Lettres le jeune auteur surdoué en a perçu toute la vacuité. Il a préféré faire le grand saut dans la littérature plutôt que baratter ses scolies.

Romain Noël retient les lignes de force soumises néanmoins au réel mais un réel « mythique » : « Je sais je parle de très loin. Contrairement à nombre des miens je suis resté au cœur du massif. Je m’éloigne du Paradis tout en m’approchant de la terre. Je vais d’erreur en erreur, au plus fort de l’exil ». Le texte devient un récit d’abyme écrit dans un temps dont le présent est à la fois celui de l’écriture mais peut sembler aussi un « éternel présent ».

Son écriture donne à la fuite du Paradis une étendue dans laquelle la liberté semble impossible. Mais au corps défendant de l’auteur celle-ci se dessine par un chant dégagé de tout lyrisme. L’auteur a beau estimé qu’il « continue à marcher au désert. Toujours plus loin du Paradis. Toujours plus près de l’Enfer» : quelque chose s’amorce dans la progression comme l’écriture se crée en avançant.

La poussée est là mais elle n’est pas sans se nourrir des rhizomes des verts paradis de l’enfance. C’est pourquoi l’écriture dans sa marche et sa démarche évoque contre toute attente autant le lieu du repli sue de l’imminence. Comme Edouard Levé en son temps - auquel on ne peut s’empêcher de le comparer - l’auteur est en quête d’un espace désempli, d’un lieu “ blanc ” qui signale l’espacement général, la mutité, les interstices aux lacunes importantes.

Jean-Paul Gavard-Perret