Pédale !
de Ludovic Piétu (Scénario), Jika (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 18 mai 2023
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
L'histoire ordinaire d'un jeune gay provincial
Ludovic, troisième enfant d’une famille modeste, raconte son enfance sans turbulences dans le Loir-et-Cher (« ces chez gens-là on ne fait pas de manière ») jusqu’à ses premiers émois adolescents où il se sentait une attirance pour les garçons, sans vraiment oser le dire. Puis vinrent les années de fac où le jeune étudiant dût se résoudre à l’évidence : le temps était venu de faire son coming-out…

Sous ce titre un brin provocateur, se révèle le récit beaucoup plus sage d’un garçon qui a attendu d’avoir 23 ans pour faire son coming out. Pour tenter (peut-être) de comprendre, Ludovic Piétu s’est lancé dans une autobiographie où il évoque des tranches de vie depuis le plus jeune âge, avec une enfance ordinaire d’homo en devenir. La vague attirance qu’il ressentait pour les hommes se confirma au collège avec les premières branlettes sur le catalogue de la Redoute, attirance mise en veilleuse par son besoin d’être accepté par le groupe, de ne pas être étiqueté comme la « pédale » de service. Mais même si une fois à la fac, il continuait à lutter contre ses pulsions en adoptant un masque de normalité, son désir pour le sexe mâle venait sans arrêt frapper aux carreaux. Lui pourtant préférait jouer le rôle de l’hétéro de base, quitte à fantasmer sur du porno gay en faisant l’amour à sa copine…

Le dessin fluet et globalement minimaliste, sans être exceptionnel, n’est pas désagréable, mais convient tout à fait pour illustrer ces petites anecdotes pleines de légèreté, dans lesquelles tout homo se reconnaîtra plus ou moins. Chaque chapitre débute par une sorte d’inventaire en pleine page des objets permettant d’identifier l’époque où se déroulent les faits. On y verra entre autres des 45 tours de Madonna ou Stéph de Monac, un « walkman », un monopoly, des vidéos de « La Boum 2 », des exemplaires de « Honcho » jusqu'au calendrier (cultissime pour tout gay qui se respecte) des Dieux du stade, un flacon Allure de Chanel ou encore un CD de Jamiroquaï. Si le procédé est un peu facile, il charmera forcément les amateurs de madeleines de Proust. Le récit n’échappe pas à quelques longueurs dans son déroulé un peu aléatoire, et s’il se veut humoristique, on concèdera quelques sourires sans forcément être secoué par le fou-rire.

La qualité première de cet ouvrage est son authenticité, et la sincérité dont fait preuve Ludovic Piétu en préface, où il admet que son histoire « n’est pas si tragique » et même « plutôt banale », son but étant de « raconter comment ça se passe un coming-out, le dédramatiser et pourquoi pas en rire ».

Bref, c’est la jeunesse tout ce qu’il y a de plus ordinaire d’un homosexuel né à la fin du XXe siècle qui est décrite ici, avec ses contradictions et ses hantises, son épanouissement personnel brimé par le poids des conventions sociales. Ce témoignage un rien « bisounours » mais sans dramaturgie inutile s’avérera sans aucun doute utile pour les jeunes homos de province voire de « quartiers » qui peinent encore à s’affirmer dans leur identité, mais il pourrait manquer de consistance aux yeux des seniors de la communauté LGBT, même si bien sûr les questionnements de ce jeune gay qui se cherche, cette bagarre entre sa tête, son cœur et sa queue, ne sont pas dénués d’intérêt.