Obscur éclat
de Carolyne Cannella

critiqué par El Gabal, le 25 avril 2023
(Strasbourg - 35 ans)


La note:  étoiles
De la lumière avant toute chose
"L'obscur est un chemin. La lumière est un lieu." Je ne vois pas plus bel aphorisme que celui de Dylan Thomas pour venir illustrer ce recueil de Carolyne Cannella, "Obscur éclat", tant il semble que de bout en bout s'y exprime le désir de traverser les ténèbres pour faire jaillir la lumière. À l'aune de toute quête poétique authentique, il y a en effet cette idée que les contraires ne s'excluent pas mais forment au contraire une unité secrète : aussi, un éclat au royaume de la poésie peut-il irradier d'obscur !

Dès le chant douze, "Mélopée", la poétesse en appelle à "l'incessant murmure des astres" pour marquer la victoire de "l'aurore" sur "les ténèbres vaincues". Et pourtant, alors que de part en part, "l'invisible frémit" au point de culminer en "abyssale lumière", il y a cette idée que la beauté, qui est l'autre nom de la vérité, ne se conquiert pas sans folie, ni silence, ni détresse au revers même de la sagesse, de la parole et de la joie. Le recueil de Carolyne est pour ainsi dire hanté par bien des spectres et les hommages s'y multiplient : on pourrait même dire que tout le recueil est un seul et même hommage au plus vibrant des absents : cet "ange" dont la présence est "immuable" et qui scintille de par sa présence au-delà de l'apparente absence : car pour métaphysicienne qu'est Carolyne Cannella, cette dernière conçoit la mort comme un seuil et non pas comme un terme. Seuil qu'il est possible de franchir avec "un sourire dans les ténèbres" tout en se parant de son "ultime éclat".

Il y a bien de la beauté dans cette quête qui se fait "jusqu'à la brûlure" et aucune compromission : tout y est vécu et exprimé de la manière la plus authentique et nue qui soit. On y ressent de la douleur comme de la grâce et tous les vers y sont ciselés avec la plus grande musicalité possible. Cette musique est celle des profondeurs de l'être et de l'âme par où rayonne "un soupçon de rose" "même si le chant s'absente". Une chose est sûre : le lecteur ne pourra y être insensible pour autant qu'il aura appris à se laisser totalement embraser par la lumière...

Julien Miavril