TRAVERS&E
de Marie Sagaie-Douve

critiqué par JPGP, le 16 avril 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Marie Sagaie-Douve et la détermination de l'infini
Les unités phrastiques de Marie Sagaie-Douve - jusque dans leurs parenthèses fractales et leur ponctuation de déhiscence – percent la surface de la page comme dans le « Concerto à la mémoire d’un ange ». Il est d’ailleurs toujours question de mémoire et - sinon d’ange - du moins de figures archétypales (Médée, Héloïse par exemple).

Les mots sont insérés pour leur musique qui les maintient entre le général et le particulier pour des suites de déliaisons (effet palimpseste ) autant que de liaisons afin d’insérer le lecteur dans divers mouvements. Les effacements, les passages sous silence sont donc important. Marie Sagaie-Douve desserre une étreinte sans mettre les mots tout à fait à l’écart. Le langage devient « naturellement » poétique loin de tout subterfuge et de manière la plus « simple » possible.

A travers une écriture sans véritable genre (théâtre, roman, poésie) affleure un comment c’est qui ne cache plus un comment ce n’est pas. De brefs segments s’ajoutent jusqu’à l’intérieur de la phrase pour rompre la surface du logos admis. Reste le meilleur du moindre et du monde. Il n’est jamais néant. C’est ce que Beckett nomma un « inannulable moindre » fait pour épuiser les images admises et la narration.

La créatrice n’épuise donc jamais les possibles. Et leur donne un maximum d’extension dans une sorte de rêve. Un rêve qui aurait lieu dans une nuit sans sommeil. Comme l’auteure, le lecteur entre en posture d’insomnie.
D’où son étrange connivence avec la créatrice qui mène à un espace post-cartésien.

Il y a là la voix, l’espace et une sorte de musique : la femme, l’homme, l’enfant dans un trio jamais fixé. S’inscrivent à la fois les silences de la voix et les vides de l’espace (par coupes franches ou addendae). La fragmentation est donc capitale le livre de Marie Sagaie-Douve. Elle permet de ne pas faire de la littérature ce qu’elle reste trop souvent : une représentation.

Jean-Paul Gavard-Perret