Zébuth ou l'histoire ceinte: Suivi de L'Imparfait
de Laurence Vielle, Claude Panier (Dessin), Gwenaëlle Stubbe (Dessin)

critiqué par Pucksimberg, le 9 avril 2023
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Des poèmes aux frontières du genre
La poésie de Laurence Vielle emprunte à tous les genres. Ses textes peuvent rappeler le roman pour le caractère narratif et le théâtre pour la place accordée au dialogue et aux didascalies clairement intégrées dans ses textes poétiques. Dans « Zébuth ou l’histoire ceinte », le personnage éponyme est amoureux de Bêl qu’il va perdre. Il va traverser de nombreux mondes dans un labyrinthe qui semble puiser dans l’œuvre picturale de certains artistes comme M.C.Escher, Bosch, Magritte Dali … La poétesse revisite une référence biblique à travers la poésie et la peinture pour engendrer un texte narratif mystérieux. Certains passages relèveraient presque aussi du conte. Dans « L’Imparfait », Laurence Vielle a composé plusieurs poèmes structurés en parties. Elle y aborde plusieurs thèmes comme la mort de son ami Bruno, la danse, les oiseaux … L’oralité est présente tant dans la façon de narrer que dans les échanges entre les personnages. Ces textes seraient facilement adaptables au théâtre et se prêtent vraiment à la lecture à voix haute par leurs jeux sonores.

Les poèmes de Laurence Vielle sont agréables à lire. Il y a du rythme, de belles trouvailles, une certaine originalité et clarté de l’expression qui rend sa poésie accessible tout en conservant une part de mystère. On sent que la poétesse aime jouer avec les mots, voire même faire sourire le lecteur par certaines allusions. Elle intègre des onomatopées, laisse certaines phrases en suspens en terminant sa phrase sur une préposition. Le blanc typographique est aussi intégré dans sa poésie. La forme des poèmes varie : certains poèmes sont très courts, d’autres bien plus longs. Elle joue aussi parfois sur la présentation typographique. La ponctuation est très peu présente et les vers sont hétérométriques. Ses textes sont bien modernes dans leur façon de renouveler la poésie traditionnelle.

Les textes jouent aussi sur l’intertextualité. La manière dont la poétesse revisite certains mythes ou certains textes donne une autre dimension à notre lecture car ses poèmes sont nourris du monde d’aujourd’hui. Ceux que j’ai préférés sont ceux dans lesquels elle évoque la disparition de cet ami. La souffrance et le manque sont palpables et elle vient à toucher à l’universel dans ces textes. Pour confier sa douleur, elle en vient à parler parfois d’elle-même à la troisième personne du singulier afin de créer une distanciation.

« Dans les pleurs du très petit bébé
Il y a tout l’effroi de l’apparition au monde
Et le bébé écarquille les yeux avant de parler
Pour s’accrocher
Et quand on est grand
Qu’un être cher meurt
Il y a tout l’effroi du petit bébé
On est ramené au cœur de notre apparition au monde »