L'emballement du monde: Énergie et domination dans l’histoire des sociétés humaines
de Victor Court

critiqué par Colen8, le 9 avril 2023
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Freiner ensemble les excès de l’Anthropocène
Le fil rouge de l’énergie(1) est décliné depuis l’apparition du genre Homo il y a plusieurs millions d’années. Il apporte de l’eau au moulin de la défense de l’environnement, de la biodiversité, d’une inflexion vers davantage de sobriété en matière de ressources non renouvelables. L’appel à plus de modération est valable pour toutes les parties : les dirigeants politiques, les extracteurs de matières fossiles, les producteurs de biens et services industriels, les médias et influenceurs sans oublier les consommateurs. Chacune porte à un titre ou à un autre sa propre responsabilité dans la spirale accélérée d’une croissance continue inatteignable dans un monde de ressources limitées et en voie d’épuisement.
Des idées neuves parfois renversantes sur l’évolution humaine sont des arguments de plus pour réfléchir au credo du progrès technique et social affiché par l’Occident depuis les Lumières. Pourquoi les surplus de la révolution agricole ayant permis à l’ordre hiérarchique de s’affirmer(2) ont-ils conduit à la formation des empires dont aucun n’a jamais échappé à la désintégration ultérieure ? La loi des rendements marginaux décroissants(3) responsables de leur disparition a toutes les raisons de se perpétuer durant la transition vers l’énergie décarbonée, laquelle selon plusieurs sources aurait de forts risques de dépasser les 2° de hausse de température moyenne fixés comme objectif.
Comment la bipédie a favorisé la course d’endurance, le pistage des grands mammifères, la croissance démographique. Comment durant le Paléolithique la cuisson des aliments grâce au feu a nourri le développement cérébral avec une énergie mieux assimilable favorisant les capacités d’abstraction, du langage et de la transmission orale, de l’expression artistique, des croyances religieuses, de l’écriture et enfin de la science. Comment beaucoup plus tard les structures étatiques se sont mises en place pour mobiliser par la contrainte l’énergie musculaire d’un nombre grandissant de sujets, pour justifier l’esclavage pendant des siècles jusqu’à l’arrivée des machines où hégémonie capitaliste et salariat se sont instaurés.
Les temps modernes, l’imprimerie, l’essor des sciences et des techniques, la révolution industrielle occidentale, l’éducation de masse, la croissance démographique, la multiplication arbitraire du concept national sont autant de facteurs ayant contribué à forger un monde que ses excès semblent conduire à sa perte. Pour Victor Court qui se défend de sombrer dans la collapsologie, les utopies des technophiles, les délires des trans-humanistes restent des mirages absurdes face à l’emballement du système, à commencer par la demande croissante et inextinguible d’énergie pour alimenter les industries du numérique sous leurs multiples formes. Ainsi il importe de se plonger dans la synthèse largement chiffrée et documentée de sa démonstration.
(1) Energie utile : celle qui émane d’une énergie primaire fossile ou renouvelable, puis d’une transformation en énergie finale en quelque sorte prête à l’emploi pour l’éclairage, le transport, le numérique etc.
(2) A la source des inégalités, ayant servi à justifier l’esclavage perpétué par la suite en travail sous contrainte et dans lequel les sociologues classent le statut salarial
(3) Observée depuis des lustres, quand le gain de productivité d’un investissement supplémentaire passe en dessous du bénéfice, de même quand les recettes ne suffisent plus à absorber le coût d’un changement décrété par l’Etat.