Diotime et les lions
de Henry Bauchau

critiqué par Vox libri, le 14 mars 2001
(Mons - 58 ans)


La note:  étoiles
Féminité et amour, révoltes et traditions
À travers la lutte avec les lions, dans l'ivresse du combat et dans la prédilection que lui témoigne son grand-père, c'est aux plus troublants interdits que Diotime est confrontée.
Mais sur la peur, le désir, la sauvagerie, la transgression, la violence de la féminité, Henry Bauchau projette la lumineuse sagesse de l'Orient.
De sorte que son récit - bref et pourtant inépuisable - semble se jouer de la transparence des mots pour mieux atteindre à l'essentiel.
L'histoire de Diotime s'écoute comme une aventure, et rayonne comme une parabole.
Il y a des passages admirables comme lorsque l'oncle de Diotime lui dit : " pour toi nous inventerons une nouvelle tradition " ou encore lorsque cette jeune Perse tombe amoureuse d'un Grec de Grèce et qu'ils doivent chacun écouter le point de vue de l'autre...
Un récit splendide à lire à tout âge, dès l'adolescence.
Vous pouvez bien sûr le lire, mais une bonne manière de découvrir cette oeuvre est aussi de l'écouter. En effet, la maison d'édition " Autrement dit " propose cette oeuvre sur casette audio. Vous pouvez ainsi l'écouter dans votre voiture ou chez vous.
J'ai adoré écouter l'interprétation que la comédienne et danseuse, Nathalie Ponlot, donne de l'oeuvre du grand auteur belge Henry Bauchau.
Pour vous procurer la cassette ou entrer en contact avec l'éditeur et même l'actrice qui a souvent interprété Diotime au théâtre sur le site http://users.belgacom.net/autrementdit
La force d'un récit 9 étoiles

Cette histoire pourrait ressembler à un conte hautement symbolique mais cela me semble être bien plus que cela.
Diotime est une jeune fille qui se sent lionne dans l'âme, le sang des lions coulant d'ailleurs dans les veines de son clan depuis des générations, ce sont les ancêtres et pour les "honorer", un combat rituel est organisé chaque année au cours duquel des lions sont tués, puis une célébration de la réconciliation organisée. Le vieux Cambyse, grand-père de Diotime, apprend tout à sa petite-fille, il l'aime comme la chair de sa chair, c'est le même sang, le même esprit, la même sauvagerie, le même courage. Ces deux-là semblent former la fusion parfaite qui suscite l'admiration de Kyros, père de Diotime, et un soupçon d'inquiétude chez la maman de la jeune fille, soucieuse de voir sa fille se livrer à des activités traditionnellement réservées aux hommes.

La tradition.... ligne conductrice à mes yeux de ce court récit de Bauchau. Cette tradition qui dicte ses lois depuis des siècles et que chacun tente de suivre du mieux qu'il peut, sous peine d'encourir le courroux de là-haut. Une tradition qui peut sembler parfois barbare (cette tuerie de lions pour marquer la réconcilition entre les hommes et leurs ancêtres animaux), parfois rétrograde (les femmes sont interdites d'un tas d'activités), parfois injuste (toutes ces conditions pour que Diotime et Arses puissent librement s'aimer).
Mais ces impressions de "sembler parfois ceci ou cela" ne sont-elles pas avant tout des jugements de ma valeur liées à ma propre culture, à mes repères, à mes traditions différentes de celles des autres et qui pourraient pourtant leur sembler tout aussi étranges. Henry Bauchau réussit ce tour de force de glisser les éléments de cette tradition au fil des pages, le nes atténuant en aucun cas, mais les entourant d'un contexte, d'une histoire, de personnages, destinés à nous faire comprendre ce qui est invisible à nos yeux, ces pulsions qui guident les corps, cette foi qui anime les âmes.
C'est un texte court (62 pages dans l'édition originale) et cependant extrêmement puissant. Il suscite diverses interrogations sur notre condition et sur le mystère de la vie, il laisse songeur devant la détermination de Diotime et, point important pour moi, devant la mort et les symboles qu'elle véhicule, devant la renaissance qu'elle impose lorsqu'elle se déroule dans une certaine sérénité.

Sahkti - Genève - 50 ans - 25 novembre 2004


Le souffle épique 7 étoiles

On retrouve le souffle de ces mythes revisités par le mystère de cette langue simple, mais moins qu'il n’y paraît, et qui, parce qu'elle ne s'embarrasse pas de fioritures, d'effets de mode, est destinée à durer. Comme le suggère Vox Libri, ce doit être un plaisir d'écouter ce texte dit par une spécialiste. J'ai gardé un excellent souvenir d’une représentation de Gengis Khan avec Jean-Claude Drouot-Thierry-la-fronde, comme certainement les amateurs d’opéra se souviendront longtemps de la voix de José Van Dam chantant le livret d’œdipe sur la route.
Mais si j'ai apprécié le courageux parcours de cette jeune fille qui veut pour devenir femme se colleter à des activités dévolues dans son clan à des hommes, la chasse aux lions en l’occurrence, de même que ses rapports complexes à son père, son grand-père et son compagnon, j’ai personnellement décroché à la fin que propose Bauchau à son récit où la fus(l)ion homme-animal qui polarise toute l'histoire semble précipiter dans le goulet final tous les protagonistes de l'action : Cambyse, Arsès et Diotime bien sûr, mais aussi l'Ancêtre-Le Sage-L'Enfant un instant consulté par le couple pour une décision majeure à prendre.
Un récit, somme toute, fort et troublant comme un trou noir à aspirer les particules élémentaires de mythe en suspension dans l'univers fictionnel.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 4 avril 2003