Bon pour la télé

Résumé court et simple: un agence de voyage propose des circuits à de riches clients sur les chemins de la pauvreté, à la découverte des pauvres et des miséreux un peu partout sur la planète. Le pauvre devient une bête de curiosité qui fait vendre.

Déjà, le principe de la visite touristique chez les pauvres, je me dis que l’auteur a intérêt à assurer, car c’est une pente glissante. Jouer le second degré avec des clichés sur le pauvre qui est forcément ceci ou cela, ça ne tient pas plus de cinq minutes, il fallait donc que Lydie Salvayre trouve autre chose. A la lecture du résumé, j’ai pensé à Coluche, en me disant qu’un type de son envergure aurait réussi à se fiche des pauvres de manière horriblement honteuse tout en nous faisant marrer. Pourtant, je ne suis pas fan de Coluche mais il avait sur le point de la conciliation entre humour et sordide un talent que l’on ne peut lui dénier, même si j’ai souvent trouvé ça lourdingue et beauf.

Real Voyages, c’est du vrai, rien que du vrai, à la découverte de la seconde partie du monde, celle de la misère. Là où ça devait faire pleurer, l’auteur nous arrache des sourires. C’est que c’est souvent cocasse, caustique et on se surprend à rire de situations abominables. En creusant un peu plus loin, je me suis demandé si le but de l’auteur n’était pas volontairement de nous choquer, de nous faire réagir sur cette condescendance typiquement humaine qui veut qu’on détourne les yeux quand on croise un clodo ou un handicapé physique grave dans la rue, en train de faire la manche (que celui qui ne l’a jamais fait me lance la première pierre !).
Les caricatures sont omniprésentes, mais elles correspondent à une certaine vision qu’une partie de nos âmes charitables entretient. D’un côté la foule bigarrée de touristes charitables et de l’autres ces malheureux qu’on exhibe, un peu comme dans les journaux télés où on en a poussé plus d’une fois certains, larmoyant et geignant pour le plus grand bonheur du cameraman et du présentateur-vedette du journal de 20 heures.
Ce qui est bien dans ce livre, c’est que le regard désapprobateur du narrateur se porte sur les deux catégories, les nantis et les pauvres, tout le monde y passe et on en prend plein la vue. On découvre les travers de chacun et très rapidement, le voyeurisme agace chacun des protagonistes, fatigué de visualiser "en vrai" ce qu’il préfère regarder bien tranquillement chez lui dans son fauteuil à la télévision.
Mais à la longue, une certaine lassitude s’installe, voire un énervement progressif, on a envie de secouer ce beau petit monde et de leur dire "hé ho ! c’est pas comme ça que ça se passe !". Sous des tonnes de poncifs, L. Salvayre noie son message, son portrait cruel de notre société. Nous nous reconnaissons tous quelque part dans les lignes écrites par l’auteur mais l’excès nuit en tout et c’est cela qui nous empêche de prendre ce roman trop au sérieux et de réellement réfléchir sur nous et notre regard à autrui.

Dans la vie L. Salvayre est psychiatre. A-t-elle voulu calquer dans son livre les comportements de certains de ses patients ? Dans ce cas, c’est un peu rapide et facile, trop cliché de "banlieue cité remplie d’étrangers et de pauvres malheureux".
Je me demande si un tel ouvrage, agaçant à la longue devant la répétition de tant de clichés, ne fournirait pas à la télévision une belle série abrutissante telles celles fournies par TF1 en été (vous savez bien, Annie Dupeyrey, Bernard Lecoq et consorts...).

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  Les belles âmes [Texte imprimé], roman Lydie Salvayre

  de Salvayre, Lydie
  Seuil
  ISBN : 9782020339872 ; 11,28 € ; 25/08/2000 ; 155 p. ; Broché

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