Quel avenir pour la cavalerie ?
de Jacques Réda

critiqué par JPGP, le 26 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Maitres et mètres : Jacques Réda
Maitres et mètres

A coté de ses textes de création, Réda a toujours pris soin de vaticiner avec intelligence sur ses propres formes et outils : il y eut ainsi le superbe "La Vieillese d'Alexandre" mais tout aussi "Autobiographie du jazz" afin d'examiner d'autres espèces de scansion et leur relation à la sensibilité.

Retenons dans ce corpus - en dehors de l'historique que le pisteur propose - l'état actueldu ver français symptôme d'une crise de la sensibilité et de l'humanité plus que de la poésie elle-même. Le vers peut sembler parfois un instrument périmé du poétique. Ce qui ne veut pas dire que celui-ci erre dans une « Sibérie prosodique ». C'est bien plus compliqué que cela.

Le vers libre ou perdu dans une feinte de prosodie (que Baudelaire et de Guérin proposèrent) ouvre de nouvelles propositions que Réda lui-même ne pratique pas forcément puisqu'il défend et illustre souvent la versification dans ses propres travaux de création (ses récents textes aux Editions Fata Morgana le prouve).

Mais la question du vers se piste selon divers flottements depuis Mallarmé. Preuve que le terme d'un certain type de versification ne consomme pas la fin de la poésie mais ses dualismes : le balancement rythmique - mais pas seulement - suit son cours et évolu voire involue.

Tailles, espacements d'une poésie action fonde une réflexion sur les chemins de la sensibilité au moment où elle ne pâture plus dans les formes fixe et dans l'alexandrin notre « mètre national ». Son érosion a ouvert une cure ou une crise qui grise par divers affranchissements et singularité afin que chacun à sa façon cherche son chien sans qu'un berger fasse bonne garde. A l'âge de l’individualisme il s'agit de suivre ce que Mallarlé annonçait « s’exprimer non seulement, mais se moduler à son gré », loin des idées de principes. Le mètre et ses maîtres ne sont plus nécessaires. Au nombre c'est subsitué non le hasard mais de nouvelles nécessités pour assumer une énergie même lorsqu'elle explore des tréfonds dans ses creux-ations.

Réda reste parfois un peu pédant pour assumer ses vérité sur l'interactivité du vers et de sa lecture. Le poético-sceptique souligne que cette liberté crée parfois un enfermement chacun se barricadant dans sa "poliorcétique".
Néanmoins, le jeu de la dispersion du mètres offre des spécificités spécultaives où se poursuit une aventure sur laquelle l'auteur met des bémols. Il dresse des reproches à Mallarmé fauteur de ce trouble dans la poétique.

Reste que cette nouvelle métrique permet d'ouvrir son champ : qu'on pense à Prigent, Novarina, Nathalie Quitane voire F-J Temple. Ce qui n'empêche pas au vers régulier de memeurer efficient. Réda le prouve. Savitykaya aussi - du moins parfois car il se risque aussi à d'autres dérives apparemment plus prodiques -du moins en apprence.

Désormais le vers peut être partout plutôt que nulle part. Et ce, même si sa circonférence échappe. La poesie a donc de beaux jours devant elle même si ses médiums changents parfois : le rap est là pour le prouver. Mais il n'est pas le seul.

Jean-Paul Gavard-Perret