Louis sous la terre
de Sereine Berlottier

critiqué par JPGP, le 25 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Louis Soutter ressuscité
La narratrice du livre de Sereine Berlottier (multiple et une) accompagne la solitude du peintre Louis Soutter (1871-1942). Elle rentre en proximité avec lui jusque « dans les jupes d’une femme » même si aucune présence n’a pu le sortir de son enfermement et de ses marches forcées qui rappellent celle de Walser. Etre - par delà les époques - en une feinte de proximité avec l’artiste permet à la poétesse française d’être au plus près de sa souffrance et de sa création. Celle-ci aboutira aux figures dégradées mais puissantes formellement que Soutter finira à tracer au doigt à la fin de sa vie et pour des raisons de santé : « Mettant au trou, à terre. / Creusant dans le petit trou de la terre. ».

Sereine Berlottier mêle habilement (avec un clin d’œil lacanien) la vie et l’œuvre comme elle mêle dans son « récit » le tu, le je, le on, le nous. Le désordre de la vie de Louis Soutter se retrouve dans l’esprit du livre. Il suit l’artiste de manière chaotique de la Suisse à Bruxelles, aux USA et jusqu’à l’asile de Ballaigues où il s’adonna au dessin et à la peinture de façon frénétique dans une maison réservée « aux vieillards et aux indigents du canton » où il meurt au moment où son œuvre est exposée à New-York et Lausanne. Si bien que l’auteure peut s’adresser à l’artiste en lui lançant « Ta vie se commence quand elle se termine ». Jamais enfermé dans un cadre le livre de ruptures se fait le frère de l’artiste : du dessous de la terre il provoque sa résurrection.

Jean-Paul Gavard-Perret