Voix
de Linda Lê

critiqué par Sahkti, le 17 octobre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Délires paranoïaques
C'est court, très court même, soixante pages, écrites dans un style soutenu voire trépidant. On dirait une histoire qui n'a ni début ni fin, comme un morceau de texte qu'on aurait prélevé hors d'un plus grand chantier.
Le lecteur se retrouve dans le couloir d'un hôpital psychiatrique en compagnie de la narratrice qui se demande ce qu'elle fait là, d'une Sidonie-qui-a-plus-d'un-amant qui chante à tue-tête, d'une philosophe en guenilles, d'une femme à chapeau croyant être enceinte et d'autres personnages assez étranges murés dans une folie irréversible.
Pendant quelques minutes, j'ai cru à une erreur de parcours, à un mauvais endroit au mauvais moment dans lequel se serait trouvée l'héroïne mais rapidement, je me rends compte qu'il n'en est rien, elle souffre, son esprit se fait la malle, elle entend des voix qui seraient l'oeuvre d'un mystérieux complot d'une toute-puissante organisation qui a envahi toute la ville, infiltré tous ses proches et qui surveille chacun de ses faits et gestes. Délire paranoïaque à l'état pur admirablement bien retranscrit par Linda Le qui emploie un ton vif et saccadé, des phrases courtes, une tension poussée à l'extrême pour raconter ce qui se trame dans la tête de cette femme qui se cherche.
Pas de fin à ce texte, ça s'arrête comme ça, sur une énième pirouette mentale de la narratrice, on devie qu'elle ne s'en sortira sans doute pas mais la porte est ouverte pour que nous puissions lui inventer un autre monde, plus gai, plus lyrique, dans lequel sa folie aurait droit de cité et pourrait prendre toute la place sans devoir être enfermé dans une prison aseptisée.

"Je m'enfonce dans le chemin de la neige. Tout est calme autour de moi. Je n'entends ni le bruit de moteur ni les hurlements des chiens. Je cherche en vain dans la neige la trace qu'auraient laissée les têtes coupées. Je suis seule. je ramène les pans de mon manteau. Je m'allonge dans la neige. J'écoute siffler le vent. je regarde le ciel bas. une profonde paix descend en moi." (page 69)