La Condition humaine et autres écrits
de André Malraux

critiqué par JPGP, le 12 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Malraux mal aimé
L’œuvre de Malraux semble échapper à elle-même tant l’auteur a été supplanté et brouillé par l’homme politique - même s’il l’a été bien peu. Il n’empêche : Malraux s’est pris les pieds dans les tapis de la République Française. Son œuvre s’en est trouvée ostracisée. Il faut au lecteur (franco-français surtout) retrouver une sérénité pour oublier le « malaise » que l’œuvre a créé sous prétexte que l’auteur fut un personnage officiel du Gaullisme. Si le Général Gaulle est l’objet de textes anecdotiques et ronflants (« Lazare » et certains discours commémoratifs) l’œuvre perdure au-delà du personnage de manière insolente. « La condition humaine » reste la fiction majeure (plus que « L’espoir » au style américanisé).

Sont republiés aussi « Esquisse d’une psychologie du cinéma », « Le triangle noir » ou l’introduction générale à « La Métamorphose des Dieux » : ces textes méritent plus qu’un détour et se dégagent d’un certain mépris où ils furent tenus par des jaloux. L’auteur a rêvé de pouvoir agir sur le moteur du monde et de l’art. De ce dernier il a montré moins les « vêtements » que la profondeur. Non parfois sans un regard amusé qu’on oublie en voulant ne retenir que le lyrisme de l’auteur. En un humour tout sauf marqué, Malraux ne fait pas que jouer la comédie dans lequel on a voulu le tenir. Ses fictions restent nimbées d'incertitudes et dans ses essais le dérisoire et le sordide font place à des affirmations qui n’ont rien de frelatées ou de compassées. Malraux ose des théories : elles peuvent être discutées mais bougent bien des lignes. Preuve que l’œuvre, en ses charges, est à reprendre. L’occasion en est donnée par cette superbe édition.

Jean-Paul Gavard-Perret