Clair de femme de Romain Gary

Clair de femme de Romain Gary

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Clarabel, le 11 octobre 2004 (Inscrite le 25 février 2004, 47 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 005ème position).
Visites : 10 913  (depuis Novembre 2007)

Poignant

Deux êtres en déroute qui s'épaulent de leur solitude et la vie attend que ça passe. Une tendresse désespérée, qui n'est qu'un besoin de tendresse... "Clair de femme" est une bouleversante histoire d'amour au sens très large. Car c'est la rencontre entre Michel et Lydia, tous deux blessés et saouls de malheur. Lui car sa femme se meurt et l'a prié de s'en aller rencontrer une autre femme pour la faire revivre en elle, et Lydia, la quarantaine et les cheveux blancs, coupable de ne plus aimer l'homme qui a tué leur petite fille dans un accident de voiture. Ces deux êtres en perdition, écorchés et malheureux, vont se heurter sur un trottoir, faire l'amour cette première nuit, se parler et errer dans les rues de Paris pour se consoler. Leurs rencontres vont alléger leurs chagrins, pensent-ils : le Senor Galba qui exécute un numéro de dressage d'animaux sur un air de paso-doble et qui se meurt en douceur, la pétulante Sonia, russe juive, qui se complait dans le malheur ... Un roman qui se passe en une nuit : le temps pour la femme aimée de mourir, le temps du couple Michel-Lydia de parler amour et couple. "Nous avions besoin d'oubli, tous les deux, de gîte d'étape, avant d'aller porter plus loin nos bagage de néant.". Mais Michel est un batisseur de cathédrales et son attente du couple est trop faramineuse pour l'ultra-sensible Lydia qui prend peur de cette promesse d'édifice. Michel doit partir vers d'autres terres pour oublier sa femme trop adorée et cette dernière nuit va s'écouler tristement, vainement. Ode à l'amour, à la vie de couple, à la pérennité de cet amour ?... "Clair de femme" est un bouleversant hommage d'un homme pour la femme de sa vie, la célébration passionnée de la patrie du couple, "d'une bienheureuse absence d'originalité, parce que le bonheur n'a rien à inventer". Etourdissant d'actualité pour un texte publié en 1977, ce roman se trace dans la coulée d'une écriture claire, aérée et révèle l'angoisse du déclin que pressentait l'auteur, qui s'est finalement donné la mort en 1980. " Il y a dans ce roman la dérision et le nihilisme qui guettent notre foi humaine et nos certitudes sous le regard amusé de la mort, écrivait Gary. Les dieux païens nous guettent installés sur l'Olympe de nos tripes. Notre vie n'est peut-être que le divertissement de quelqu'un ". " Tout se passe comme si la vie était un music-hall, un cirque où un suprême senôr Galba [pitoyable pitre alcoolique, dresseur et montreur de chiens]…s'amuserait à nos dépens ".
Non point lugubre ou sinistre, "Clair de femme" se lit d'une traite et se révèle époustouflant !

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Les éditions

  • Clair de femme [Texte imprimé] Romain Gary
    de Gary, Romain
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070373673 ; 16,98 € ; 06/04/1982 ; 180 p. ; Poche
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L'amour de deux êtres en déroute

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 21 avril 2018

Un mari sous le choc de la perte de sa femme et une femme accompagnant un époux handicapé à l'origine de l'accident mortel de leur fille se percutent, se rencontrent, se retrouvent et finissent par s'estimer. Se pose ainsi inévitablement la question de la résilience, de la faculté de rebondir en amour. L'arrière-fond des spectacles, animaliers mais pas seulement, interroge sur les obligations sociales en la matière, qui tiennent de la comédie, de la lourdeur et qui contiennent un aspect décalé, parfois de mauvais goût.
Ces deux êtres se cherchent, de leur côté et ensemble.

Ce roman pose donc de belles interrogations, de manière assez sombre, parfois glauque, souvent belle.

Un étrange roman d’amour

8 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 50 ans) - 25 mars 2017

Deux êtres secrètement brisés, séparés de celui qu’ils aimaient, se heurtent sur un trottoir. Commence un paso doble, un exercice improbable de rapprochement, une tentative de reconstruire une vie, de prolonger et recréer dans un autre l’amour qu’on a connu.
Entre désespoir, cynisme et humour Romain Gary analyse ce qui fait et défait le couple, se penche sur la culpabilité, l’euthanasie. Mais surtout il rédige un roman bouleversant.

Insoutenable idée du malheur

9 étoiles

Critique de Stradivarius (, Inscrite le 7 février 2015, 82 ans) - 27 mars 2015

On ne raconte pas ce roman, il faut le lire absolument. Certes il s'agit de la rencontre de deux êtres fracassés par la vie, qui s'accrochent l'un à l'autre comme feraient deux naufragés pour ne pas sombrer. Et puis il y a ce chien et ce saltimbanque, burlesque et pathétique, qui symbolisent la fragilité des êtres sur un air de paso doble . R.G a l'art de parler de la solitude , de la dérision de la nature humaine. On n'oublie pas la lumineuse Romy Schneider , visitant sa belle famille et son mari handicapé, dans une éblouissante fresque russe dans un décor luxueux où la musique russe et l'alcool transpirent le malheur absolu.

Apologie du couple

10 étoiles

Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans) - 5 mars 2015

Michel et Yannick sont l'homme et la femme d'un couple de toute une vie. Mais Yannick s'éteint peu à peu, rongée par le cancer. Pour mourir dans la dignité, elle a demandé à Michel de partir. "La plus cruelle façon de m'oublier, ce serait de ne plus aimer.", lui a-t-elle dit. Alors Michel part, pas très loin, c'est vrai, il tourne un peu en rond, rongé de l'intérieur, sans savoir quoi faire, et tombe, presque littéralement, sur Lydia, belle et jeune encore, malgré ses cheveux blancs. Elle s'est emmurée dans son chagrin : son mari a eu un accident de voiture, qui a tué leur petite fille, et l'a laissé handicapé, incapable de parler. Le temps d'une nuit, leurs solitudes vont se rencontrer, que ce soit dans l'ombre d'une alcôve, sous les Spotlight du cabaret où se produit le Señor Galba qui fait danser les caniches, ou sous les lumières de la réception que donne Sonia, la belle-mère de Lydia.

Voilà quelques semaines que j'ai fini la lecture de ce Clair de femme, et force m'est de constater que ce roman m'émeut toujours autant. Emouvant, mais pas triste malgré le sujet, R. Gary dénonce dans ce roman l'égoïsme ambiant de la société et annonce sa vision d'un couple fusionnel, dans lequel l'homme et la femme s'effacent pour ne plus exister qu'au travers cette entité mystérieuse qu'est le couple "Vous avez vu dans la rue de très vieux couples inséparables qui se soutiennent en marchant ? C'est ça, la part du feu. Moins il reste de chacun, et plus il reste des deux…". Les personnages de Michel et Lydia sont criants de vérité, chacun dans leur rôle, dans leur conception du monde et de la vie. Pour une nuit, ils vont s'approcher, s'éloigner, se comprendre, se confondre et se confronter et qui sait ce qui naîtra de leur solitude et de leur détresse ?
Au-delà d'une vision du couple intransigeante, Romain Gary évoque également quelques sujets douloureux comme l'euthanasie, la culpabilité, la peur de vivre aussi, avec pudeur et honnêteté, le tout sous le regard burlesque et pathétique du Señor Galba. L'écriture de Romain Gary est fluide et imagée, les idées et les dialogues s’enchaînent, sans que les digressions ou retours en arrière ne freinent la lecture. La formulation des dialogues est particulièrement ciselée, les sentiments sont exposés au lecteur qui ne peut qu'être bouleversé de cette mise à nu de l'âme meurtrie de Michel et de Lydia.
C'est un roman superbe, émouvant et lumineux. A lire !

Comment veux-tu distinguer le faux du vrai, quand on crève de solitude? On rencontre un type, on essaie de le rendre intéressant, on l’invente complètement, on l’habille de qualités des pieds à la tête, on ferme les yeux pour mieux le voir, il essaie de donner le change, vous aussi, s’il est beau et con on le trouve intelligent, s’il vous trouve conne, il se sent intelligent, s’il remarque que vous avez les seins qui tombent, il vous trouve de la personnalité, si vous commencez à sentir que c’est un plouc, vous vous dites qu’il faut l’aider, s’il est inculte, vous en avez assez pour deux, s’il veut faire ça tout le temps, vous vous dites qu’il vous aime, s’il n’est pas très porté là-dessus, vous vous dites que ce n’est pas ça qui compte, s’il est radin, c’est parce qu’il a eu une enfance pauvre, s’il est mufle, vous vous dites qu’il est nature, et vous continuez ainsi à faire les pieds et des mains pour nier l’évidence, alors que ça crève les yeux et c’est ce que l’on appelle les problèmes du couple, le problème du couple, quand il n’est plus possible de s’inventer l’un l’autre, et alors, c’est le chagrin, la rancune, la haine, les débris que l’on essaie de faire tenir ensemble à cause des enfants ou tout simplement parce qu’on préfère encore être dans la merde que de se retrouver seule.

Les hommes oublient toujours que ce qu'ils vivent n'est pas mortel.

un cinq étoiles.

10 étoiles

Critique de Ezechiel00 (, Inscrit le 25 juillet 2010, 45 ans) - 27 septembre 2012

Un livre qui m'a fait transpirer, tant certains passages sont éprouvants à décrypter...
J'ai même pensé à inachever ma lecture, mais le courage faisant foi, je l'ai fini, et ai fini par comprendre la grandeur de l'auteur...

A croire qu'il faille se concentrer sur les choses de la vie que nous détestons, pour mieux comprendre notre raisonnement, et donc mieux se connaître...

Un couple...

10 étoiles

Critique de Lecassin (Saint Médard en Jalles, Inscrit le 2 mars 2012, 68 ans) - 23 septembre 2012

Il y a des livres qui vous marquent … Pour ma part, « Clair de femme » fait partie de ceux-là. Publié en 1977, peu de temps après un deuxième Prix Goncourt obtenu par romain Gary sous le pseudonyme d'Emile Ajar, on retrouve le Gary des causes taboues : après « Au delà de cette limite… » qui pointait l'impuissance dans le couple, voici, toujours dans le couple, la fin de vie… et après…
Adapté au cinéma en 1979 par Costa-Gavras, sur un scénario de Milan Kundera, avec Romy Schneider, Yves Montand… et Peter Ustinov dans le rôle du Señor Galba , dresseur de chiens, le film n'est pas moins remarquable.
« Clair de femme », c'est une histoire de rencontres.
D'abord celle, impromptue de Michel et de Lydia, sur un trottoir en sortant d'un taxi. En fait la rencontre de deux solitudes : celle de Michel dont la femme se meurt seule et dans la dignité, selon ses dernières volontés ; et celle de Lydia Kowalski qui continue à vivre malgré le décès de sa fille et les séquelles psychiatriques de son mari consécutives à un accident.
Ce sont ensuite celles d'une nuit d'errance et d'attente comme celle avec le Señor Galba qui attend dans la détresse la mort de son chien, ou celle de Sonia, la Russe…
Une nuit d'errance qui finira dans une aube naissante, et qui verra, qui sait, la naissance d'une nouvelle union, celle de Lydia et de Michel ; Michel à qui sa femme, mourante avait demandé : « Je suis obligée de te quitter. Je te serai une autre femme. Va vers elle, trouve-là, donne-lui ce que je te laisse, il faut que cela demeure. La plus cruelle façon de m'oublier, ce serait de ne plus aimer.»
Décidément, un Romain Gary en grande forme pour publier en même pas deux ans, deux chef-d'œuvres : celui-ci et « La Vie devant soi, « avec l'aide » d'Emile Ajar.

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