Un pas de deux
de Serge Peker

critiqué par Débézed, le 4 octobre 2022
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
La médecine en crise
Un médecin approchant de la retraite doit subir une petite intervention chirurgicale, il est hospitalisé dans la même chambre qu’un comédien. La vieille de l’opération, ne pouvant dormir ni l’un ni l’autre, le comédien interroge le médecin sur sa vie telle qu’il l’a racontée dans le cahier intime qu’il a découvert dans ses effets. S’engage alors un long dialogue qui dure toute la nuit, en fait ce dialogue est presque un monologue, le comédien n’intervient que pour relancer le propos, le réorienter, ou pour formuler une remarque destinée à mettre en évidence la différence entre le pragmatisme de la médecine et la fiction interprétée dans la comédie. Il en résulte une confrontation entre l’art et la science, entre la concrétude de la pratique médicale et la virtualité de la fiction littéraire. Cette confrontation n'est jamais affrontement mais plutôt complémentarité, l’une ne primant jamais sur l’autre mais démontrant plutôt l’autre face de l’autre. Et, parfois même le virtuel parait plus concret que le réel tel que nous le connaissons.

Ainsi, le médecin raconte sa vie, sa famille, son enfance, sa scolarité, son choix professionnel, ses copains, le dispensaire, son cabinet, sa patientèle, ses engagements, la souffrance, la mort, tout ce qui constitue la vie d’un médecin mais aussi les cas particuliers qu’il a connus, les êtres qui l’ont étonné, agacé, sidéré, dérangé, … C’est une page d’histoire qui se découvre à travers la vie du médecin : les intrigues dans le milieu hospitalier, la recherche d’un emploi avec le recours au piston, l’engagement politique au moment des fameux « Evénements de mai 1968 », le déferlement des plus démunis qui sont les plus fragiles et les plu mal soignés, vers les pays les mieux nantis, la folie urbanistique, le mépris de la planète, la malnutrition. Tous ces problèmes bousculent d’une façon ou d’une autre la vie du médecin dans sa pratique, dans ses engagements et même dans son intimité familiale.

Serge Peker étant lui-même médecin, il connait parfaitement le sujet et il est particulièrement crédible quand il dénonce la destruction de la médecine publique, la déficience de la prise en charge des plus démunis, la désertification médicale. A travers ce texte, c’est la nostalgie de la médecine de ville, ou de campagne, telle que nous l’avons connue qu’il exprime en filigrane à son récit. Comme une forme déshumanisation de la médecine actuelle plus soucieuse de statistiques, de courbes, de moyennes que de rapports humains avec les patients les plus en souffrance. Il évoque aussi la rentabilisation des établissements hospitaliers qui ne peuvent plus remplir leurs diverses missions faute de personnels et de moyens nécessaires. Le fondateur serment d’Hippocrate semble de plus en plus submergé par la déferlante des lois et règlements dont nos institutions ne sont pas avares.

Comment ne pas relier ce texte, même si ce n’est qu’un fiction romancée, à l’actualité médicale dont les médias relaient, chaque jour depuis plusieurs mois, l’acuité de la situation.