Dos au monde
de Elke Heidenreich

critiqué par Sahkti, le 30 septembre 2004
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Regrets post 68
Sept nouvelles, acides et savoureuses, racontant les aventures humaines de personnages qui avaient vingt ans dans les années soixante. Avoir vingt ans en mai 68 pourrait-on dire. Voilà qui ferait un beau titre pour une émission de société un brin racoleuse à la Mireille Dumas. C’est un peu la crainte que j’avais en ouvrant ce livre, celle de parcours une enquête sociologique remplie de clichés et de constats d’amertume.
La plume d’Elke Heindenreich, bien connue à la télé allemande, est incisive et ironique, le ton employé est drôle. C’est sans compromis qu’elle se penche sur les déboires de ses protagonistes, qu’elle décortique leurs vies, leurs amours, leurs échecs et leurs réussites. Cela donne ces sept nouvelles de qualité un peu inégale mais toutes teintées d’une certaine fraîcheur assez plaisante. Une lecture-détente qui fait éclore quelques sourires, notamment dans le récit qui raconte les aventures de Nina, une journaliste de quarante ans qui plaque son mari pour une femme qu’elle décide de rejoindre à Milan. Sa mère, 80 ans bien faits, décide d’enfin découvrir l’Italie avant de mourir et accompagne sa fille, qui (évidemment) n’en a aucune envie. Drôle de rencontre entre ces trois femmes, avec pas mal d’humour dans le regard que porte la vieille dame sur sa fille et sa relation amoureuse lesbienne.

Une lecture plaisante, oui, mais cependant teintée de quelques regrets. Cette analyse des amours des soixante-huitards me semble tellement connue et rabâchée qu’on devinerait presque le déroulement des histoires, que la surprise n’est pas forcément au rendez-vous. La faute à l’auteur ? Peut-être pas. Son style est frais et tonique. C’est peut-être le sujet qui veut cela, une époque trop analysée, presque banalisée.
Ces rapports mère-fille sur lesquels s’interroge Elke Heidenreich, cette crise de la routine qui s’installe dans les couples après trente ans de mariage, ces libertaires devenus bourgeois… pas original, non. Heureusement que l’auteur possède un style vif et séduisant, ça rattrape un peu le reste.