Un roi sans divertissement
de Jean Giono

critiqué par Bluewitch, le 10 mars 2001
(Charleroi - 44 ans)


La note:  étoiles
Un roi sans divertissment est un homme plein de misère
Dans un petit village perdu de France, milieu du XIXe siècle, un tueur en séries sévit.
Les enlèvements inquiétants se succèdent et sont contés par des narrateurs différents qui reprennent à tour de rôles le récit, en fonction de dont ils ont été témoins.
Pour résoudre ce mystère, on demande l’aide du capitaine Langlois, gendarme étranger au village, qui se met aussitôt en quête du criminel. C’est ce dernier qui nous intéressera le plus… Car au fil des pages, nous découvrons un Langlois en mutation, de plus en plus fasciné et comparable à l’homme qu'il poursuit.
C'est un roman à la fois inquiétant et fascinant. Un thriller à l'ancienne ! ! L’écriture « rurale » de Giono donne à ce récit une dimension tout à fait particulière. On est parfois dérouté par ces narrateurs au langage très « campagnard » et pittoresque qui se succèdent (sans qu’on s'en rende toujours compte) mais c’est ce qui donne son intérêt au roman et nous plonge dans la campagne français du XIXe siècle.
Langlois est un personnage tout à fait captivant, intriguant. Un chasseur de psychopathes qui finit par se découvrir des penchants meurtriers, et à son plus grand désarroi… Vraiment surprenant !
Ce livre est très bien écrit. Un classique à ne pas manquer !
L'ennui 10 étoiles

Je n'entends pas donner de leçon, mais je voulais souligner une évidence pour ceux qui se disent déconcertés: ce livre est avant tout, me semble-t-il, une illustration de l'ennui pascalien. Je ne peux le comprendre que par cette référence à Pascal: Misère de l'homme sans Dieu, conscient de la contingence de son existence. Le roi est celui qui ne trouve refuge dans aucun divertissement, c'est-à-dire celui qui sait qu'il n'a pas de "raison d'être". Langlois, après avoir joué le jeu (du chat et de la souris) un temps, sans être dupe, décide de se retirer. Cela ne signifie pas que ce soit l'aboutissement nécessaire de cette prise de conscience. Au contraire,Giono n'a cessé de montrer dans ses oeuvres que cette misère pouvait se "transcender" par l'amour de la terre et la fraternité (ceci étant précisé pour Blue boy et Jeanne). Un grand livre au style sobre et impeccable.

Dalton Ames - - 52 ans - 8 février 2009


De là est née l’oeuvre de Pierre Magnan … 7 étoiles

Je le parierais, de ce roman de Giono est née l’oeuvre de Pierre Magnan, polariste éclairé et nourri au soleil de Provence, qui a par ailleurs cotoyé Jean Giono.
« Un roi sans divertissement » est très différent des oeuvres plus connues de Giono ; « Colline », « Jean le bleu », « Regain », … Ca commence comme un polar qui plongerait ses racines dans le passé, première moitié du XIX ème siècle, et qui … y reste, continue l’aspect polar pour finalement basculer dans l’addition d’histoires rattachées au héros initial. Au niveau construction ça m’a semblé bancal. Comme si, une fois le polar raconté et bouclé, Jean Giono ne s’était pas résolu à arrêter le roman et avait rajouté des épisodes, qui ne sont plus alors sur un mode polar, mais qui restent néanmoins en lien puisque de manière très allégorique, très allusive, Jean Giono nous fait toucher du doigt les noirceurs de l’âme humaine. Et pas que chez les « méchants » !
Le Commandant Langlois est amené à intervenir, vers les années 1830, dans un village reculé du Dauphiné (tiens, pas très loin de chez moi !), pour découvrir qui peut faire disparaître ou tuer des habitants du village, d’une façon des plus mystérieuses. Ne résolvant pas l’énigme mais pressentant sa continuation, il se met en congé de la gendarmerie pour venir s’installer dans le village et sauver des vies. Ce faisant, il sera confronté à une fascination des plus morbides pour la mort, la mise à mort, le sang ,et Jean Giono, de manière très allusive, très délicate, nous embarque on ne sait trop où le plus clair du temps pour nous donner une clef à la toute fin de l’oeuvre, une clef qui donnera le titre : « Un roi sans divertissement est un roi plein de misère ». Un roi plein d’ennui (au singulier, pas au pluriel !) aurait-il pu écrire aussi. Et un des moyens de combattre l’ennui, dans un village du Dauphiné, pourrait-il être de traquer, puis de mettre à mort des êtres vivants ? Hommes, femmes, loup, … ?
Jean Giono nous laisse énormément de latitude pour interpréter le message. Rarement une oeuvre laisse-t-elle autant de possibilités d’interprétation …
3,5* à cause de cette construction qui m’a parue … inexistante. Sinon c’était plus … Ca reste du Giono. Et quand je lis que certains le considèrent comme un auteur régionaliste … !
Et donc, oui, ce Commandant Langlois et ses tribulations en Dauphiné du Sud, me parait bien préfigurer le commissaire Laviolette et les atmosphères des romans de Pierre Magnan. Pour le meilleur … Le meilleur seulement car il n’y a pas de pire ici !

Tistou - - 67 ans - 13 mai 2008


Tout ça pour ça ? 2 étoiles

C’est la deuxième fois que je lis Giono (la première fois c’était « Le Chant du monde ») et c’est la deuxième fois que je m’ennuie ferme…
J’envie réellement ceux qui ont été touchés par la poésie et l’intrigue du roman, mais pour ma part, je ne suis jamais rentré dedans, je l’ai seulement terminé parce que l’ouvrage n’est pas trop épais. Je ne sais pas si c’est le style qui a vieilli, mais je suis à maintes reprises resté perplexe devant ce gloubi-boulga littéraire et tout à fait indigeste à mon goût. On a là affaire à un curieux mélange de descriptions baroques et interminables de la nature et de la vie à la campagne, de radotages superflus dans une langue rurale (et on ne sait jamais qui parle exactement) autour des agissements d’une espèce de tueur en série qu’on ne voit que de dos. Le style d’écriture est imagé à l’extrême, alourdissant considérablement la fluidité d’un récit censé être intrigant, récit se terminant hélas comme il a commencé, de manière absconse et confuse, selon que la démarche de l’auteur ait été volontaire ou non… Au vu des commentaires précédant le mien, je me dis que je suis passé complètement à côté… tant pis pour moi, j’aurais certainement dû suivre les conseils de Jeanne, mais je ne pense pas retenter Giono de sitôt…

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 29 janvier 2008


le mal pour fuir l'ennui 10 étoiles

« Un roi sans divertissement » est publié en 1947 soit dix ans après la publication du précédent ouvrage de Jean Giono en 1937 « batailles dans la montagne ».
Beaucoup de chose se sont passées entre temps dans la vie de l’auteur. Avant guerre écrivain « écologique » même si ce terme était peu employé à l’époque, prônant le retour à la nature et la non violence. C’est ses idées déformées, mal comprises qui l’on fait assimiler par certains à un collaborateur. A la libération il est emprisonné et le comité des écrivains l’inscrit alors sur sa liste noire. Il est libéré au bout de cinq mois sans avoir été inculpé de quoi que ce soit.
Jean Giono sort de tout cela désabusé, désenchanté, les romans qu’il écrira à partir de là en porteront la marque.

Le mal comme l’ennui sont les thèmes centraux d’un roi sans divertissement.
Pour Langlois le personnage principal du roman la seule parade à l’ennui la seule grande distraction est celle du meurtre. Mais paradoxalement le même Langlois ne consent pas au crime et sa propre mort devient la seule issue possible. Dans ce roman s’opposent mal et bien, vie et mort, de sens et non sens de la vie. Le tout dans une ambiance de paysages hivernaux (région de Grenoble l’hiver), de veillée, de battues…
L’écriture de Jean Giono est magnifique, le roman se lit sur plusieurs plans l’un d’entre eux s’inscrit dans la thématique du roman policier (l’histoire d’un serial killer), un autre plus subtil, moins immédiat devient un fable métaphysique. L’art de Jean Giono est aussi celui de faire découvrir les événements, peu à peu, de manière indirecte. Art du silence, de l’allusion qui ménage les ombres, les états d’âmes, les secrets. Un texte immense à lire et à relire.

Richard - - 77 ans - 4 janvier 2006


Un roman à lire deux fois ! 8 étoiles

A la première lecture du livre, j'ai eu du mal à accrocher car on ne perçoit pas tout de suite le sens de ce livre et le fait que l'auteur fait une réflexion sur l'ennui et sur la condition de l'homme en général. En fait dès qu'on sait le but de l'auteur et qu'on le relit , ce livre est super intéressant et où tout a un sens! J'ai bien aimé également le langage qu'utilisent Giono et ses personnages! Saucisse vaut le détour!
Pour conclure je dirais qu'il ne faut pas passer à côté de ce livre et ne pas oublier que même si ce roman est assez pessimiste, Giono s'amuse en écrivant!

Morganedetoi - - 36 ans - 11 septembre 2005


un livre unique.... et c'est peut-être pas plus mal! 5 étoiles

Que d'éloges et de fleurs lancées à ce chef-d'oeuvre de la littérature française aux accents tristement anglo-saxons! Personnellement, je l'ai trouvé illisible. On a du mal à accrocher quoique le style soit des plus aboutis. Un roman sur l'ennui, hein? Ah ça! S'il s'agissait pour Giono de nous ennuyer, c'est pas raté. Il se passe un ou deux événements perdus dans des flots de tentatives pour comprendre la duplicité de l'âme humaine; mais est-ce bien suffisant pour pouvoir parler d'un livre convaincant, à l'issue de la lecture duquel on aurait envie de voir la littérature comme une clef dans la vie? Je reste perplexe.
Mais je comprends qu'on puisse aimer ce livre, car malgré tout il a une telle richesse interprétative qu'il suffit d'y ajouter un minimum d'intérêt pour ne plus s'en lasser.
Cela étant, mon conseil pour ceux qui ne l'ont pas encore lu sera le suivant: Ne commencez surtout pas par ça si vous ne connaissez pas Giono!! Pour peu que ça vous plaise pas ( c'est un bouquin vachement lent, ombrageux, un peu comme ces aprèm de novembre où la nature toute entière semble vouloir vous imposer de rester chez vous, à broyer du noir sans motif réel si ce n'est une subite mélancolie), vous risquez de passer à côté des rafraichissantes odes au bonheur que sont ses autres oeuvres, dans l'ensemble!

Jeanne - - 35 ans - 5 mars 2005


forêts d'hiver 9 étoiles

"Ce n'était pas la première fois qu'on était en face des forêts d'hiver et, le val de Chalamont, pour tout dire, ce n'était qu'un val un peu plus touffu, un peu plus noir, un peu plus mal famé que les autres.
Et après? Qui n'en a pas en lui-même?"

Qui n'en a pas en lui-même? Quelques mots repris fidèlement dans le corps du livre touffu; quelques mots qui balaient la tentation régionaliste et le lyrisme béat de lecteurs égarés. "Je ne connais pas la Provence" avait écrit l'auteur; le hasard l'y a fait naître et ancrer sa poésie aiguisée dans une réalité terrienne qui se réclame d'ailleurs et de partout à la fois. En nous, ses ruisseaux coulent et ses plateaux nous infligent leur rude réalité.
Un changement s'est-il produit dans l'écriture De Giono? Que reste-t-il de la Provence exaltée des débuts? Un paysage monstrueux de neige tachée de sang?
Le même souffle en substance, la nature c'est l'homme, livré à ses paysages intérieurs qui se déploient et qu'il parcourt de sa solitude. L'histoire de cette solitude, de cet ennui, de cette "misère de l'homme sans Dieu", c'est celle d'"Un roi sans divertissement", matrice des chroniques et cycle déréglé d'une nature implacable.
L'obscurité du livre sert les questions portées par l'oeuvre. Giono y est brutal, sans concessions, il dépeint le vide derrière les mots qu'il emploie. Jamais il ne laisse mourir un personnage avec facilité, mais raconte une traque de l'homme avec lui-même. De là, un roman policier? De là, un renoncement au lyrisme des débuts?
Non, un roman à la mort grotesque, "à la diable", au lyrisme contenu tant qu'il peut par ce qu'on y lira de "régional", de "campagnard", mais qui déborde tout de même avec vivacité et mordant. La force, la couleur de la poésie y est sinon plus forte, toujours aussi présente que dans les romans du début. Giono est cet écrivain magnifique qui se laisse lire comme conteur, poète, tantôt emporté, tantôt désabusé, cruel, brutal, doux... Il laisse une place au lecteur dans ses pages, les sens et les incompréhensions se superposent, mais la vérité est là, pleine.
Giono n'est ni régional, ni campagnard, "Un roi sans divertissement" est la méditation littéraire parfois violente d'un être humain éternel et victime des mêmes paysages d'hiver.

Roman d'un meurtrier, roman d'un justicier-victime, roman d'un cycle déréglé, roman de la misère de l'être, roman de l'indicible, il échappe au temps, au lieu et se dérobe toujours, malgré l'appellation de "Chronique".

B.Josef - - 37 ans - 17 juin 2004


Un roman déconcertant 7 étoiles

Un roman très déconcertant pour ceux, comme moi qui ne connaissait que le Giono amoureux de la Provence et de la nature tel qu'on le découvre dans Regain. Ici, Jean Giono écrit une affaire criminelle où se profile dès le début de l'oeuvre une intrigue policière : qui est le mystérieux enleveur? On est très vite troublé. En effet, vers le milieu de l'oeuvre le meurtrier est bien vite retrouvé et l'affaire est classée (mais ça je ne vous dirai pas comment!). En réalité, l'intrigue policière laisse place à un roman psychologique où Langlois devient Le Protagoniste de l'histoire. Jean Giono brouille les pistes à loisir en faisant intervenir plusieurs narrateurs, en utilisant des expressions savoureuses propres aux villageois ou encore des expressions incongrues "honorabilité et camembert"... Mais le plus troublant reste la présence de mystères non éclaircis et de non-dits...
Pour conclure je suggérerais simplement de le lire. Cette oeuvre est admirable et offre un très bon divertissement ! ;)

Lolita - Bormes les mimosas - 38 ans - 5 novembre 2003


Superbe critique ! 8 étoiles

Cette critique est très bien menée et au service d'un excellent livre. Le langage de Giono participe toujours merveilleusement bien à ses ambiances. On ne s'imagine pas ses personnages campagnards s'exprimer autrement ! Dans plusieurs de ses livres, je me suis déjà demandé si certains des mots qu'il utilise sont vraiment français ou s'ils n'émanent pas tout simplement de la langue courante. Il me semble parfois que cet auteur est un peu passé de mode. C'est vraiment dommage car, s'il dépeint bien une campagne mythique,dépassée par le progrès et l'évolution de la condition paysanne, il n'en demeure pas moins qu'il décrit aussi l'homme dans ce qu'il a d'éternel.
Encore bravo pour ce choix en espérant que cette critique donnera envie à beaucoup de lecteurs de redécouvrir ce grand écrivain.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 15 mars 2001