Sarinagara de Philippe Forest

Sarinagara de Philippe Forest

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sahkti, le 22 septembre 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 984ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 5 149  (depuis Novembre 2007)

Vivre et souffrir

Sarinagara signifie "cependant" en japonais. Le dernier mot d’un haïku de Kobayashi Issa.Un mot qui dit tout et rien et qui sert d’intrigue et de fil conducteur aux trois histoires bouleversantes qui composent ce texte de Philippe Forest.
Alice et Philippe Forest ont perdu leur petite fille Pauline, atteinte d’un cancer et âgée de quatre ans. Si la mort et le cancer sont des notions rimant la plupart du temps avec injustice, cette révolte est encore plus forte lorsqu’il s’agit d’un petit enfant, de sa fille, d’un être dont le départ ne semble pouvoir être surmonté (Alice et Philippe Forest ont envisagé, à un moment, le suicide pour mettre un terme à l’insupportable douleur).
Sarinagara, c’est un hommage, un essai de délivrance, beaucoup d’humilité et d’impudeur mêlées pour raconter une vie qui se poursuit malgré et envers tout.
Après la mort de sa fille, Philippe Forest s’exile au Japon, le bout du monde pour lui, en espérant que cette coupure lui permettra non pas d’oublier mais au moins d’atténuer ce qui l’empêche de vivre. A travers l’histoire de trois personnages (Natsume Sôseki, Kobayashi Issa et Yosuke Yamahata), Philippe Forest réalise que la souffrance est universelle et ne connaît aucune limite géographique ou temporelle. En contemplant les clichés de Yamahata, qui entra dans Nagazaki juste après le bombardement, Forest livre une réflexion intéressante sur la démarche de ces personnes qui n’ont pas reculé devant l’horreur et ont affronté la mort et la douleur en face. pas vraiment comparable sur la forme avec la mort de son enfant, mais sur le fond, tout est là, la souffrance est identique, on se vide, l’âme doit accepter l’inacceptable, la vie va devoir continuer avec ces notions dans la tête. « Ils (les Japonais) naissent, ils vivent, ils meurent, comme nous, ils passent d’un néant à l’autre, en essayant de sauver ce qui peut l’être du magnifique désastre d’exister».

En lisant cet ouvrage émotionnellement chargé, j’ai pensé à la démarche de Sophie Calle dans "Douleur exquise", un exercice de deuil qui se déroule aussi au Japon, un affrontement indispensable de la douleur.
Philippe Forest se livre de manière intime et touchante, tous ses états d’âme y passent, on ressent ce qu’il a vécu, on soutient cet homme dans la détresse et on en arrive, guidé par la douceur de ses mots, à la conclusion qui s’impose : la vie est là. Avec ou sans nous. Elle continue d’être.

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Vie et mort, beauté et horreur mélés

10 étoiles

Critique de Garance62 (, Inscrite le 22 mars 2009, 61 ans) - 8 mars 2011

Dans ce livre -roman, récit, biographie indistinctement mélés- quatre histoires disjointes se suivent, se donnent sens dans un Japon, lieu indispensable.

Là-bas, à Kobé plus précisément, à l'endroit où un séisme ravive la mémoire d'un même temps où, ailleurs, une longue année de maladie commence pour sa fille décédée, l'écriture de Philippe Forest va se greffer sur trois histoires autres que la sienne : celle de deux écrivains japonais de renom : l 'un de haïku, Kobayashi Issa, l'autre, inventeur du roman japonais moderne : Natsume Sôseki et le troisième photographe, celui qui photographia l'horreur de Nagasaki. Trois histoires où la mort joue un rôle de choix.

C'est un éblouissement de souvenir qui va donner lieu à ce livre : « en vérité j'écris afin de faire s'étendre sur mon existence l'oubli au coeur duquel se conserverait sauf mon souvenir le plus vif ».

L'incompréhensible de la mort venue de nulle part ou de la folie des hommes, mais aussi, malgré tout, la puissance de la vie qui reste, encore, toujours, après, se côtoient :

« Du bain des enfants
et jusqu'au bain des défunts
oh, tout est non-sens »
« L'histoire des hommes est un long séisme à peine interrompu. Entre deux secousses, l'accalmie peut durer des décennies ou des siècles. Mais le moment du désastre vient toujours »

« Il faut remercier
-même la neige sur moi-
don du paradis »

« Il y eut ce jour, cette nuit, puis ce jour encore où rien de ce qui faisait la nuit précédente n'a pourtant disparu et nous voici à nouveau, égarés quelque part en plein soleil, sans comprendre du tout pourquoi, debout dans la lumière d'un rêve, impardonnables et pourtant innocents, nous qui sommes vivants. »

Un livre coup de cœur pour un ordinaire, le même pour tous, celui de la vie et de la mort, un ordinaire pas ordinaire dans ces quatre histoires, sublimé par une écriture splendide.

Ce qu'il peut y avoir de douceur à éprouver la douleur du temps qui s'enfuit

9 étoiles

Critique de Poupi (Montpellier, Inscrit le 11 août 2005, 33 ans) - 26 décembre 2006

Ce roman, qui n'en est pas tout à fait un (c'est à mi-chemin entre biographie et essai, je crois), complète la catharsis opérée par le voyage de l'auteur au Japon ; tout comme ce séjour au pays du soleil levant, ce roman aide P. Forest à se vider de sa peine et de son chagrin interminable. Le Japon l'aura aidé à tourner la page ; comme il le dit en des termes ressemblants, le jour puis la nuit, puis le jour.
Les biographies des trois artistes au destin commun sont très belles : pleines de poésie, de douceur, de lenteur, de tristesse et de langueur. J'ai préféré l'histoire de Yosuke Yamahata, cet homme qui a photographié, sans émotion aucune nous dit l'auteur, les victimes de FatMan à Nagasaki ; Forest décrit des photos que je me suis empressé d'aller voir sur Internet. Ce sont des photos chargées d'émotion et de silence, comme le livre.
Un livre sur le temps qui passe, le temps qui s'enfuit, le temps qui ravage les coeurs. Un roman qui fait prendre conscience de ce temps qui s'écoule.

De l’émotion pure…

9 étoiles

Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 51 ans) - 8 février 2005

« Mais je parle simplement pour ceux qui savent. » Je ne sais pas et sans doute ne puis-je véritablement comprendre ou même partager tout ou partie de ce qui a conduit Philippe Forest à écrire ce roman et sarinagara…
Au-delà des informations fournies sur trois artistes japonais les messages de l’auteur sont nombreux, touchent juste, parfois font mal.
Hideuse et tellement belle, la vie, la nature des choses, la nature des êtres. Insupportable parfois et toujours supportée, même quand elle touche à l’atroce, au plus cher de soi, la vie est là et nous oscillons entre le souvenir et l’oubli.
Difficile d’en dire beaucoup plus.

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  Sarinagara 4 Tophiv 16 novembre 2004 @ 15:33

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