L'Homme-soeur
de Patrick Lapeyre

critiqué par Donatien, le 14 septembre 2004
(vilvorde - 81 ans)


La note:  étoiles
humour triste
"Depuis des années Cooper est prisonnier de son après-midi".
La première phrase du roman est inquiétante, donc le lecteur ne peut que poursuivre pour comprendre que le héros est la victime d'une obsession qui n'est autre que l'amour qu'il éprouve pour sa soeur Louise.
Cette obsession s'est cristallisée un après-midi et depuis Cooper attend le retour de sa soeur!
Pourquoi une obsession? Parce qu'elle occupe toute sa vie au point de ne laisser aucune place pour d'autres affections ou intérêts.
Louise a émigré aux Etats-Unis afin d'y tenter sa chance comme photographe. Elle lui a promis de revenir, mais sans spécifier la date!
Il néglige son entourage, ses collègues de travail et fait capoter toutes les tentatives de séduction dont il fait régulièrement l'objet, sauf lorsque nécessaire à son équilibre hormonal.
L'auteur parvient à nous rendre ce personnage attachant même l'envie de le secouer vient régulièrement à l'esprit par la grâce du style décalé et des trouvailles qui nous font régulièrement sourire.
Comme par ex: "Comme ce chevalier , dont parlent tant de légendes , qui voit soudain un oiseau rare et s'entête à le poursuivre, s'étant cru tout près de l'atteindre. Mais l'oiseau,..., repart à chaque fois jusqu'à la nuit tombée, et le chevalier, loin des siens, ne sait plus sa route dans sa solitude. Poussé toujours plus loin par son désir, il a perdu le chemin du retour à lui-même".
Dans la deuxième partie, s'annonce une ère du renouveau lorsque Robine, qui partageait l'appartement de Louise aux E.U. débarque à Paris!
D'abord déçu, Cooper tente de séduire Robine, mais échoue par manque d'agressivité et d'appétit.
Toutes ses forces sont investies dans l'amour de sa soeur et l'espérance de son retour définitif.
D'autres épisodes sont plus drôles comme ses démêlés avec ses collègues de travail, les femmes qu'il visite de temps à autre pour libérer son énergie
Finalement, après le départ de Robine et les quelques cartes postales ou les courriels qu'il reçoit des Etats-Unis, Cooper perd son emploi, se réfugie dans l'alcool et les médicaments au point de se momifier dans son appartement "refuge".
Lorsqu'enfin Louise débarque et constate l'état de déchéance de son frère, elle le ramène à la surface en refusant de le suivre dans sa fuite en avant.
Elle a continué à vivre malgré l'inceste de l'adolescence tandis que Cooper s'est figé à ce moment-là!
La vie est la plus forte, Louise repart aux Etats-Unis , tandis que Cooper.......
Très belle histoire de la différence entre les vies rêvées et les vies vécues, du danger des obsessions et des mélancolies.
Je n'ai pu m'empêcher de penser à Amélie Poulain et à Tanguy, même à Peter Pan, (qui ne voulait pas grandir).
Y aurait-il un style "Amélie Poulain" ou sont-ce tout simplement des contes pour grandes personnes?
C'est écrit avec légèreté mais efficacement prenant.
A lire!