Le laquais et la putain
de Nina Nikolaevna Berberova

critiqué par Sahkti, le 6 septembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Misérable existence
Tania est une jeune femme détestable qu'on prend en grippe dès les premières pages du récit, quand elle séduit le fiancé de sa soeur et l'épouse parce qu'elle ne peut admettre qu'un homme ne la préfère pas, elle, à sa soeur. Le ton est donné, le lecteur est orienté dès le départ et suit pas à pas l'errance mondaine puis miséreuse d'une femme qui cherche à tout prix un homme pour lui payer ce dont elle a envie, en particulier le restaurant et les froufrous. Quitte à faire la prostituée de luxe pour assouvir des envies parfois surréalistes. Un mois de salaire contre un repas dans un grand restaurant, avec le secret espoir d'y trouver un homme riche, de le charmer et le ramener chez elle. La presque belle finira par rencontrer un serveur de restaurant, un larbin comme il est dit dans le roman, qu'elle n'aime pas mais qui lui apporte un semblant de sécurité sentimentale, à défaut d'un confort financier. Leur vie est à l'image de l'héroïne: dramatique et pathétique.

Changement de style pour Nina Berberova dans ce court roman qui se démarque d'autres textes comme "Roquenval", "L'accompagnatrice" ou "La résurrection de Mozart". Si l'auteur fait preuve d'un respect certain pour ces russes désabusés contraints à l'exil, épris de nostalgie et soumis à une résignation parfois révoltante (beaucoup d'autobiographie dans les textes de Berberova), elle n'éprouve par contre ni pitié ni admiration pour cette femme qui se laisse aller, espérant que ce sont les autres qui la prendront en charge et qu'elle pourra s'abandonner complètement à uen vie faite de futilité et de faux-semblants.
Si l'exil est un drame, il doit cependant être surmonté et devenir une voie vers un autre monde, une autre vie, d'autres espoirs. En aucun cas une fuite et une excuse pour se laisser aller et se plaindre comme le fait constamment cette malheureuse Tania.
Deux personnages à la dérive 8 étoiles

Dans ce court roman de 1937, Nina Berberova décrit l'existence misérable de deux émigrés russes échoués à Paris dans les années 1930. Ils finiront par se rencontrer, chacun pensant au début qu'ils ont trouvé la solution de leur problème de solitude. Cela se terminera tragiquement.

Le lecteur découvrira les aspects misérables de leur vie désespérante dans un Paris indifférent. Une lecture passionnante que le style tout en finesse de l'auteur rend enrichissante.

Tanneguy - Paris - 84 ans - 5 novembre 2011


Faux-fuyants 8 étoiles

Quelle curieuse façon a Tania de se déposséder d’elle-même, laissant le soin aux autres de faire son bonheur. Peu plaisante dès le début, elle nous devient peu à peu antipathique pour finir par nous plonger dans l’exaspération. Voler le fiancé de sa sœur, ce n’est déjà pas joli-joli mais si le seul motif est de ne pas supporter de se voir préférer une autre femme, cela devient carrément abject.

Or, Tania qui rêvait de grandeur est rapidement confrontée à la chute sociale. Il est intéressant de voir que sa stratégie pour s’en sortir, c’est-à-dire s’en remettre aux autres, ne fonctionne pas. En outre, son attitude amorphe est du plus agaçant. La fin du livre, tragique, a de quoi glacer…

Nina Berberova n’a besoin que de peu de pages pour nous faire entrer dans l’histoire, en quelques traits nous entrons de plain-pied dans la situation C’est ainsi que tout en comprenant la souffrance que doit ressentir Tania, on ne peut admettre sa fuite, sa déresponsabilisation.

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 2 septembre 2005