Les Empereurs romains et le Christianisme
de Léon Homo

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 19 août 2021
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Naissance d’une civilisation.
Dans le livre « De la Rome païenne à la Rome chrétienne »* Léon Homo expliquait le développement de la chrétienté dans l’empire romain depuis l’arrivée de saint Pierre à Rome en 44 jusqu’au sacre de Charlemagne par le Pape Léon III en l’an 800.
Ce livre-ci, du même auteur, intitulé « Les Empereurs romains et le Christianisme », pourrait être son complément. Léon Homo y explique la position des empereurs face au christianisme depuis Tibère, qui a vu l’arrivée des premiers chrétiens à Rome, jusqu’à Constantin et le concile de Nicée en 325, qui mit fin aux persécutions en adoptant le christianisme comme religion de l’empire.

Il commence opportunément par faire le bref portrait des empereurs des trois premiers siècles en indiquant quelles étaient leurs croyances et le rôle qu’ils ont joué dans l’empire. Puis il reprend dans un ordre chronologique l’évolution de la pensée de chacun d’eux face au christianisme .

Pour ceux que la question intéresse c’est tout à fait passionnant. On s’aperçoit que durant les deux premiers siècles, à part quelques exceptions célèbres : Néron, Domitien, Septime Sévère… , la tendance était à la conciliation. L’empire réunissait des populations diverses qui avaient chacune leurs dieux et, pourvu que ces populations honorassent les dieux romains, la tolérance était de mise.

Au cours de ce chapitre on admire ce souci qu’avaient les gouverneurs des provinces de respecter strictement le droit. Au cours des deux premiers siècles le fait d’être chrétien n’était pas un délit. Le chrétien ne pouvait être condamné que pour crime de lèse majesté vis-à-vis de l’empereur ou pour le refus de sacrifier aux dieux romains ; mais on évitait la plupart du temps les contrôles et les poursuites parce que les chrétiens étaient bien appréciés par les populations. Par ailleurs la délation était proscrite et le délateur devait être recherché et condamné à des peines allant jusqu’à la peine de mort.

Ensuite l’auteur nous montre comment à partir du IIIè siècle, tout a changé.
Au IIIè siècle, l’empire est ébranlé jusque dans ses fondements, les barbares sont aux frontières, l’anarchie s’est installée dans les armées et des chefs de guerre ont remplacé à la tête de l’empire les anciens empereurs qui étaient souvent des hommes sages, érudits et bons législateurs. Les chrétiens sont alors devenus les boucs émissaires, comme les autres adeptes des religions étrangères mais, avec cette circonstance aggravante que beaucoup refusaient le service militaire.
Le christianisme est alors devenu un délit et les chrétiens ont été systématiquement persécutés durant tout le siècle. La méthode était simple : chaque citoyen devait se présenter devant le gouverneur et jurer devant témoins qu’il n’adorait que l’empereur et les dieux de l’empire. Celui qui refusait était exécuté sur le champ.

Un peu plus loin, l’auteur nous explique quelque chose de très intéressant et de peu connu : dans la seconde moitié du IIIème siècle, Aurélien qui fut un grand empereur, réalisa que les croyances antiques étaient tombées en désuétude. Il tenta de réunir toutes les religions de l’empire dans une seule religion imposée à tous : le monothéisme solaire. Mais dans ce syncrétisme religieux, le christianisme ne pouvait pas trouver sa place et les persécutions reprirent de plus belle jusqu’au concile de Nicée en 325.
Avec cette première partie du livre, le côté historique est terminé.

La seconde partie du livre est tout-à-fait différente. Sur 120 pages l’auteur a rassemblé tous les textes qui intéressent la question religieuse dans l’empire durant les trois premiers siècles. Ce sont des textes d’historiens tels que Suétone, Tite Live, Tacite etc ; des écrits des empereurs dont de nombreux textes de Marc-Aurèle et d’Hadrien mais aussi d’autres empereurs ; des échanges de lettres entre empereurs et gouverneurs de provinces, notamment sur des questions de droit posées par Pline le jeune et Dion Cassius ; des témoignages écrits par des saints martyrs, tels Cyprien, Tertullien, Eusèbe, Maximilien, Lactance ou autre Justin… ; des reportages mot pour mot des interrogatoires et des procès de chrétiens ; et encore les édits des empereurs concernant les religions.

Ce livre dans sa première partie n’est pas trop long, facile à lire et bien écrit, avec un souci didactique évident. Par contre, on pourrait penser que le recueil des textes de la deuxième partie n’intéressera pas tout le monde ; mais, pour ceux qui s’intéressent à l’histoire ancienne et aux religions, ces textes sont des témoignages authentiques, de première main et d’un intérêt exceptionnel ; ils vous replongent entièrement dans ce qu’était l’esprit religieux des Romains durant les trois premiers siècles de l’empire.

* http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/45925