La plume et le prétoire - Quand les écrivains racontent la justice
de Collectif

critiqué par Radetsky, le 4 août 2021
( - 81 ans)


La note:  étoiles
La plume, substitut de l'épée
On a en mémoire la formule de Cicéron : cedant arma togae... signifiant que la force doit céder devant le gouvernement civil, les épées s'inclinant devant les toges...
C'est une métaphore qui peut s'appliquer aux gens de plume, quels qu'ils soient, lorsqu'ils doivent affronter, par réaction ou volontairement, ceux qui détiennent la réalité du pouvoir et tout ce qui en dépend, dont précisément la justice.
Institutions, lois, gouvernement, droit, tribunaux, justice. La vulgate ou le vocabulaire dominant ont tendance à confondre le tout dans un même concept, inaltérable, irréfragable
Or ce qui ressort des lois, des institutions, des tribunaux, des gouvernements, n'a parfois que de très lointains rapports, parfois même aucun, avec l'idée de Justice habitant l'humanité depuis qu'elle existe.
Quiconque a été investi (ou s'est emparé) d'un pouvoir a tendance à en abuser sous mille prétextes, jusqu'à commettre l'inqualifiable.
D'où il ressort que les termes de loi, de droit et de justice se muent en accessoires d'une farce sinistre et cruelle.

Alors parfois, dans le désert des consentements, des renoncements, de la terreur, de l'apathie, s'élève une voix portée par une plume...et qui prend sur elle de dire son fait au Prince.
Prophètes issus de nulle part, hantant tantôt les antres, les monastères, les maquis, tantôt les villes et la place publique, ils défient le pouvoir, dénoncent la duplicité, démasquent la dénaturation de la Justice en parodie.

Clercs, lettrés, aristocrates, magistrats, poètes, écrivains, nantis ou sans le sou, qualifiés depuis le XIXe siècle d'"intellectuels", ils n'ont eu de cesse de démonter les artifices d'une soi-disant "impartialité" de la Justice et du fait qu'elle se montrait, comme par devant, faible avec les forts et forte avec les faibles.
C'est ainsi que la littérature a acquis sa force de conviction. Elle ne s'est plus satisfaite, depuis longtemps, de n'être qu'un gentil hochet de "l'Art pour l'Art".

Elle sait se battre, persiste et signe : c'est là que se tient son Honneur

Le collectif de magistrats, d'enseignants et d'historiens du droit qui ont entrepris de rédiger cet ouvrage ont choisi de procéder dans un ordre chronologique, ce qui s'adapte nécessairement à l'évolution de mentalités et des instuments juridiques.

Je me contenterai de citer les couples antagonistes qui constituent autant de chapitres du livre. Ainsi.... :
Avant l'Âge Classique
- Le procès de Jésus et ses témoins
On devrait écrire les procès, car il y eut trois, devant le Sanhédrin, puis devant Hérode, enfin devant Pilate...procès politiques, procès religieux, rarement un pauvre hère déjà torturé fut ainsi baladé d'une instance "compétente" à l'autre .
Et il y a les témoins, car il fallait que tout ceci fût dit.
- Les justices arbitraires du Moyen-Âge et les clercs contestataires
L'apparition d'un délit d'opinion vient ajouter le "dire" au "faire", lorsque ce dernier est inexistant
- La justice au pas d'escargot et François Rabelais
Comme quoi la farce et l'ironie peuvent dénoncer l'impéritie...
Renaissance et Lumières
- Les "Tartuffes" multiples et Molière
Le Tartuffe, mais aussi le Festin de Pierre, le Misanthrope
- Une autre idée de la justice : Voltaire et le Dictionnaire Philosophique, Voltaire et le "Tribunal de la Raison"

Les temps modernes
- Le "Comte de Monte-Cristo" et "Mathias Sandorf", de la vengeance à la justice chez Alexandre Dumas.
- Dickens, la justice et le crime
- Balzac et l'affaire Peytel
Il arrive que le tribun se plante....
- Victor Hugo et les Misérables
Sans commentaire....
- Flaubert et Madame Bovary
- Proudhon contre l'Institution

Les XXe siècle et l'intellectuel
- André Gide, juré d'Assises
Une page peu connue de cet écrivain.
- François Mauriac, justice et miséricorde
- Jean Giono et l'affaire Dominici
- Jean Genet
Inclassable, mais "poète et voyou" ne serait-il pas le miroir de ceux qui le dénoncent et le condamnent...?
- Les procès littéraires en France (XIXe, XXe siècles) et la responsabilité de l'écrivain.

Bibliographies en bas de pages