Elizabeth II
de Princesse Bibesco

critiqué par Alceste, le 1 juillet 2021
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Les jeunes années d'une Reine
Il n’est pas fréquent de parcourir une biographie écrite en 1957 portant sur un personnage qui, 64 ans plus tard, est toujours - et ô combien - au sommet de l’actualité. C’est pourtant bien le cas avec ce présent ouvrage, qui a l’avantage d’être proche des premières années de la future reine, et en même temps de livrer des jugements que l’on peut apprécier avec « ce que l’on sait » désormais. Ainsi, le surnom « Lillibet » - par lequel on désignait Elizabeth enfant dans son cercle familial - a été donné très officiellement et tout récemment à son arrière-petite-fille.

Au départ, la naissance même d’Elizabeth est le résultat d’une modification importante dans le statut de la famille royale au lendemain de la victoire de 1918. Désormais, ses membres pouvaient entrer en alliance avec un Pair du Royaume, sans nécessairement se lier avec des familles étrangères. Ce que fit Georges V qui épousa une lady anglaise, la future Queen Mum.

De son enfance, cette anecdote révélatrice : lorsque un jour une bonne s’opposa au caprice de celle qui était tout de même en 3e position dans l’ordre succession monarchique, elle s’entendit répondre : « Je le veux, c’est un commandement royal». Arrivée aux oreilles de la Queen Mary, sa grand-mère, cette réplique eut sa sanction : la Princesse ne sortirait plus que par la porte de service ; finies les sorties en calèche saluées déjà par une foule curieuse…

Les circonstances rocambolesques qui l’ont propulsée à la première place dans l’ordre de succession sont passées sous silence, la princesse Bibesco, très au fait des relations aristocratiques, ayant visiblement préféré glisser sur les détails de l’abdication d’Edouard VIII.

En revanche, son rôle pendant la guerre est souligné avec complaisance : quand on demande à la reine où est sa fille la Princesse Elizabeth, elle ne peut que répondre : « Elle passe le plus clair de son temps couchée sous un camion. »

Les rencontres avec le défunt prince Philip sont relatées avec tact mais précision, mais c’est surtout le lyrisme de Churchill qui frappe à l’annonce des fiançailles, ratifiées par neuf ministres du Commonwealth, Churchill qui voit en cette union « la passion éprouvée par les filles d’Albion pour les marins que la mer, cette maîtresse jalouse , leur dispute. »

Entre temps, Elizabeth aura atteint ses vingt-et-un ans, et sa majorité lui sera l’occasion de tenir un discours solennel de « self dedication » qui a frappé l’auditrice qu’avait été à l’époque la Princesse Bibesco et qui propage ses ondes jusqu’à nos jours.

Mais c’est le grand jour du couronnement qui mobilise tout le zèle de l’auteur. Pétrie de traditions nobiliaires, elle livre un compte rendu quasi journalistique des différentes étapes de la cérémonie, auxquelles la reine ne fera qu’une entorse : avoir rendu le baiser d’hommage que le prince Consort lui avait offert .

Les premières années de règne sont relatées avec un enthousiasme proche de la guimauve, sur un ton que ne renierait pas « Point de vue – Images du monde » mais dans un style toujours plein de panache, digne de celle qui a été une proche de Marcel Proust.

On retrouve dans cette évocation des images qui sont restées familières :

« Le public apprend par les journaux , avec une sorte de soulagement, que la Reine assiste incognito à une représentation théâtrale, à la pièce à succès, accompagnée par un groupe d’amis, jeune gens et jeunes femmes de son entourage, qui occupent avec elle, dans la plus grande simplicité, une rangée aux fauteuils d’orchestre. C’est une détente nécessaire pour cette jeune créature intelligente et pleine de vie, à laquelle il faut donner sa part de plaisirs. Les galas qu’elle préside dans la loge royale sont presque toujours des redites, des poncifs de l’art théâtral. C’est justice qu’elle choisisse elle-même son programme , pour un divertissement qu’elle partagera avec des gens de son âge. Il en va de même pour les courses, l’élevage des chevaux étant sa passion. Les grands prix, Ascot, le derby d’Epsom, sont des fonctions publiques où elle apparaîtra dans un équipage fastueux, avec la pompe traditionnelle des souverains britanniques, protecteurs des sports plus encore que des arts. Mais il est d’autres réunions hippiques où par les jours incertains, au temps des giboulées, elle apparaîtra simplement vêtue de l’imperméable national, un fichu noué sous le menton et se rendant avec le Lord Chambellan de service, le duc de Norfolk, ou Lord Rosberry ou Lord Derby, visiter les pur-sang dans leur paddock, parler à son entraineur, à son jockey, flatter le cou du cheval qui porte ses couleurs. Ce constant passage de sa vie publique à sa vie privée, voilà ce qui lui conserve l’affection d’un public à la fois féru de ses traditions nationales et justement fier d’être une démocratie. »