Le dernier grenadier du monde
de Bakhtiar Ali

critiqué par Alma, le 28 juin 2021
( - - ans)


La note:  étoiles
A la recherche du fils perdu
La lecture de ce roman e été pour moi source d'un plaisir constant . .
Ce plaisir a d'abord été pendant les 50 premières pages un plaisir esthétique lié à la musicalité de l'écriture, à la puissance incantatoire des phrases basées sur des reprises, qui comme des vagues successives me transportaient dans un univers à la fois étrange et étranger : celui d'un conte oriental aux récits enchâssés et empreint d'un merveilleux ancré dans la réalité des événements politiques du Kurdistan irakien dans les années 1990 .

Puis je me suis sentie rapidement prisonnière de ce récit.
Alors je me suis intéressée aux faits et aux personnages.
J'en ai établi une fiche pour me repérer parmi leurs identités aux sonorités « exotiques », ce qui m'a alors permis de goûter l'entière saveur de ce roman, celle d'un récit de vie dont le destinataire n'est pas seulement le lecteur mais avant tout les compagnons d'exil du narrateur Mouzaffar Souhbdam, qui libéré après 21 années d'enfermement dans le désert, n'a de cesse de retrouver son fils Saryas Soudham qui n'avait que quelques jours quand Mouzaffar a été fait prisonnier.
Chaque soir Mouzaffar , « l' homme venu du sable qui se perd sur la mer sur un bateau de réfugiés »  ballottant sur les flots et rêvant d'aborder les rives de l'Occident, relate un épisode de sa longue et incessante recherche. Recherche rendue d'autant plus difficile qu'il existe 3 Saryas Soudham aux parcours et aux destins bien différents, ce qui amène lecteur à pénétrer différentes couches de la société kurde et à mieux saisir les enjeux politiques de cette région « grand pays touché par la peste »

C'est un roman dense, un roman de secrets puis de confessions.
C'est un roman riche qui transcende le récit politique en ouvrant des portes sur l’imaginaire, sur le rêve, Comme le grenadier aux pouvoirs magiques, le roman s'est construit «à la lisière de deux royaumes, le royaume de la vérité et le royaume de l'imagination, la terre de la réalité et le ciel des contes » 
C'est un roman magnétique au Verbe enchanteur.
Sous l'aspect d'un conte oriental, il constitue une parabole. Si j'ai apprécié la réflexion qu'elle propose sur l'engagement politique, la notion de liberté, si j'ai été sensible aux interrogations sur les thèmes de la paternité, la fraternité, la loyauté, j'ai été frappée par la profondeur humaine de l'ouvrage, profondément émue face aux personnages devenant de plus en plus attachants à mesure de la lecture, bouleversants dans les derniers épisodes. Difficile d'oublier « les enfants de braise »......
Un roman qui plusieurs jours après avoir été fermé, poursuit encore encore en moi ses vibrations .