Eloge de la fuite de Henri Laborit

Eloge de la fuite de Henri Laborit

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Psychologie

Critiqué par Drclic, le 1 septembre 2004 (Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 47 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (11 879ème position).
Visites : 6 731  (depuis Novembre 2007)

Lecture indispensable !

Laborit est un scientifique. Spécialiste de la biologie des comportements. Il apporte à la lumière de ce qu'il sait du fonctionnement du cerveau humain son éclairage sur notre monde : socio-culture, libre-arbitre, politique, hiérarchie.

Une nouvelle grille de compréhension des rapports humains, nécessaire et indispensable à toute émancipation du système social et économique actuel.


La lecture est accessible à tous : un peu de bon sens et de recul sur le monde suffisent.

Son oeuvre et notamment sa célèbre expérience sur un rat a poussé Alain Resnais à en faire un film très réussi : mon oncle d’Amérique où Laborit apparait tout le long du film pour expliquer les réactions des personnages : Depardieu, Nicole Garcia, toute la clique à Resnais.

Lecture (et film) à conseiller autour de vous.

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Les éditions

  • Éloge de la fuite [Texte imprimé] Henri Laborit
    de Laborit, Henri
    Gallimard / Folio. Essais.
    ISBN : 9782070322831 ; 8,60 € ; 12/02/1985 ; 186 p. ; Poche
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Vieille école

7 étoiles

Critique de Aubécarlate (, Inscrit le 23 mars 2011, 41 ans) - 11 septembre 2013

Henri Laborit est certainement ce que l'on peut appeler un génie. Il travailla dans sa propre clinique non subventionnée, sur les uniques royalties des brevets qu'il avait déposés. En effet, il fut l'inventeur des neuroleptiques.

Son Éloge de la fuite déroute. Il n'est pas tant un ouvrage de biologie que de philosophie, dont le fondement des assertions serait, ou essayerait d'être les connaissances essentielles du système nerveux humain (et de son histoire) ainsi que des derniers développements de la cybernétique et pensée complexe des systèmes.

Une philosophie qui rappelle beaucoup celle de Schopenhauer. On pourrait dire qu'en quelques dizaines de pages, Laborit nous propose une synthèse magistrale de Schopenhauer, de Marx et de Freud. Rien que ça ? Les idées les plus populaires de ces penseurs sont repensées et brossées avec un bonheur certain.

Laborit semble un authentique solitaire misanthrope, au grand cœur et à la pensée profonde, vivant dans cette communion des esprits à travers les siècles, préférant, comme Schopenhauer le commerce des hommes à travers la quintessence de leur âme cristallisée dans les livres mis à la disposition de l'humanité, plutôt que les faux semblants mondains qui cachent presque toujours une volonté de domination « naturellement » issue de notre cerveau reptilien et à peine médiatisée par les cultures. Cultures qui plaquent de grands mots (justice, amour, mérite, etc.) sur un autre niveau de domination (maintien de l'ordre hiérarchique).

Laborit critique tellement qu'il apparaît au final comme un authentique anarchiste exigeant. Dénonçant les déterminisme sociaux qui maintiennent l'ordre, la domination et la stérilisation des esprit par l'étouffement de l'imagination, Henri Laborit indique une méthode d'organisation qui pourrait permettre l'expression de la créativité humaine (un signe vers l'autogestion généralisée).

Ce point concernant l'imagination est central. L'homme a des pulsions (pas nécessairement à entendre ici au sens freudien), qu'il doit satisfaire pour survivre, et la culture lui crée des besoins appuyés sur ces pulsions (gratifications, moyens optimaux et sociaux d'obtention de ces gratifications qui maximisent ou prétendent maximiser le maintien de la structure de l'être vivant singulier). La maxime inconsciente de toutes ses actions serait : « à moi les gratifications, que l'autre me fasse de la place ».

Mais la société est aussi un système hiérarchique détaché des individus. Elle semble avoir son fonctionnement propre. Ainsi certains seront-ils, au prix de leur soumission à l'ordre, et de l'origine de leurs parents, plus ou moins bien placés dans la hiérarchie. Toutefois, obtenir les gratifications sera difficile pour tous. Le stress dominera presque toujours. Or le stress, comme frustration par rapport aux gratifications qui ont à voir avec le maintien de la structure (corps ou corps social), s'il ne trouve pas de réponse comportementale adaptée va entraîner une inhibition de l'action, et de la maladie psychosomatique durable conduisant à la dépression, à la décrépitude du corps, et au suicide.

Il faut donc soit combattre (souvent interdit et inefficace) soit fuir. Mais la fuite se fait soit par grâce d'argent (quitter son boulot et vivre de la rente, acheter une île paradisiaque et s'acheter une ou un compagnon, etc.) soit par la drogue (Laborit en a inventé quelques-unes) soit par la folie. Laborit pense la fuite comme le moyen le plus efficace. La fuite la plus belle et saine étant la fuite dans l'imaginaire et la créativité. Quitter le mondain et la compétition hiérarchique pour se satisfaire de son monde intérieur et lâcher la bride aux idées neuves.

Là aussi est l’ambiguïté de Laborit. Il critique les engagements politiques, puis on comprend qu'il s'agit des engagements « autoritaires » comme dans les partis ou syndicats hiérarchisés. En cela il se montre très proche des anarchistes. Il craint que la lutte collective n’entraîne le remplacement d'une hiérarchie par une autre.

Enfin, la notion d'imagination est étrange. Centrale, elle est pensée cependant dans le cadre du scientifique et du déterminisme. Mais dans un déterminisme complexe. Elle ne fait que combiner des éléments déjà présents et par cette combinatoire, des hypothèses nouvelles peuvent surgir et sans que l'on sache pourquoi, un peu par hasard, se montrer fertiles et nous faire découvrir des éléments nouveaux passés jusque là inaperçus. Une sorte de créativité indirecte. De même, nos comportements et pensées sont déterminés par la génétique, l’environnement, la culture mais en comprenant le déterminisme on peut agir à partir de ces mécanisme, le manipuler. Mais cette manipulation sera elle aussi issue d'un déterminisme. On ne quitte donc un niveau de déterminisme que pour accéder à un niveau de détermination plus abstrait. Mais là est le progrès, la « liberté », l'intelligence pour Laborit.

Il me semble donc que Laborit est un intermédiaire entre Schopenhauer et Castoriadis, le grand penseur de l'imaginaire et de la créativité. Et c'est bien la « pulsion » anarchiste et égalitaire qui paraît conduire au problème de l'imaginaire et de la création de formes nouvelles, qui chez Castoriadis, ne seront plus uniquement la combinaison d'éléments anciens.

Enfin

10 étoiles

Critique de Khayman (Chicoutimi, Inscrit le 25 février 2004, 44 ans) - 18 septembre 2004

Allo Drclic,

Enfin quelqu'un qui écrit une critique sur l'un des livres de Laborit sur ce site web de critiques littéraires.

Laborit défriche les bases du comportement humain mais il semblerait que, malheureusement, aucun auteur n'ait voulu poursuivre dans cette voie, trouvant sans doute les bases de Laborit trop glauques.

Il semblerait donc que même le milieu de la culture littéraire soit orienté, les lecteurs se faisant dire que certaines oeuvres sont des "incontournables". Ainsi, les pseudo-intellectuels, les "cultivés" se doivent de tous lire Baricco, Kundera, Arcan, St-Exupéry. Tous ces auteurs proposant une vision romantique des rapports humains, disséquant les sentiments en émotions et rationalisant ces dernières, rationalisations bien construites, mais établies sur de fausses bases, présupposant que l'être humain est doué d'un libre-arbitre.

La culture n'est-elle pas un univers sans limites, sans balises, où le mot "incontournable" n'a pas sa place ? Où sont passés les intellectuels de Zola ?

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