Bismarck
de Emil Ludwig

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 1 juin 2021
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Un disciple de Machiavel
Il m’a fallu beaucoup de persévérance pour arriver au bout des 592 pages de la biographie de Bismarck par Emil Ludwig et, si j’y suis arrivé, c’est parce qu’elle est remarquablement bien écrite ; l’édition de Payot-Paris dans la belle collection « Bibliothèque Historique », date de 1929 et à cette époque ceux qui se mêlaient d’écrire, savaient écrire.

Mais que de longueurs ! A l’époque de Bismarck tout se faisait par courrier. Bismarck écrivait tous les jours à sa femme pour faire le bilan de ses journées et il y détaillait ses humeurs du moment. Ces lettres sont du pain bénit pour son biographe et, pour ceux qui idolâtrent Bismarck – ils sont aussi nombreux que ceux qui idolâtrent Napoléon – c’est une aubaine : ils sauront tout sur la vie privée et la psychologie du personnage. Personnellement je ne retiendrai que les traits principaux de son caractère et ça suffira à mon bonheur.

Cette biographie détaille absolument tout de la vie et des interventions de Bismarck dans son siècle ; mais pour ceux qui comme moi n’ont pas une connaissance approfondie de cette période, les explications données par l’auteur sont souvent trop fouillées pour être bien comprises et trop de personnages interviennent sans qu’on sache exactement leur rôle. Cette biographie s’adresse à un public averti.

Bismarck a participé à tous les événements de son temps, il a manœuvré tous les grands personnages de son époque et a orchestré tous les traités et les alliances entre l’Allemagne, la Russie, la France, l’Autriche-Hongrie, l’Italie et l’Angleterre. Les potentats de l’époque jouaient aux échecs en se servant de leurs peuples comme des pions et à ce jeu Bismarck était le maître. C’était un diplomate hors ligne, le plus grand de tous les temps d’après ses amis prussiens. Mais, à mon humble avis, il pouvait aussi se tromper ! Il était prêt, par exemple, à donner la Belgique à Napoléon III pour apaiser sa colère – ce dont les Français auraient beaucoup souffert tant le gouvernement des populations belges est difficile ! Et, par antipathie pour le Tsar de Russie, il l’a empêché de s’emparer de Constantinople sans réaliser, évidemment, les conséquences pour le monde d’aujourd’hui : Constantinople ne s’appellerait plus Istanbul et serait orthodoxe au lieu de musulmane ! Ce disciple de Machiavel n’était pas un prophète…

Personnellement, je voulais connaître le rôle de Bismarck au cours de cette période cruciale qui a débouché sur la guerre 14/18 et j’étais enthousiaste en commençant cette biographie parce que, à part le nom, j’ignorais tout du célébrissime personnage. Maintenant j’en sais un peu plus et j’ai fini par le prendre en sympathie. Contrairement à l’idée préconçue que j’en avais, Bismarck était un pacifiste et je l’estime pour avoir eu des convictions inébranlables auxquelles il est resté attaché jusqu’à la fin de sa vie. Mais j’ai quand même poussé un gros ouf quand j’ai tourné la dernière page.