Privées de liberté, d’égalité, de fraternité, et se hissant au top de la culture populaire

Thèmes récurrents des campagnes électorales depuis des décennies, reviennent au-devant de l’actualité l’immigration associée au corollaire de la sécurité, bientôt rejoints par l’islamisme. Autres constantes : l’impuissance des élus locaux, la cécité des gouvernements successifs, de l’Etat et donc de la République à trouver une solution digne et satisfaisante à la fois pour ces habitants relégués dans les banlieues et pour le pays lui-même. La rétrospective précise et documentée d’Erwan Ruty prend comme repère initial la Marche pour l’égalité et contre le racisme (fin 1983) où quelques marcheurs d’origine maghrébine partis de Marseille se sont retrouvés à plus de 100 000 en arrivant à Paris. Hélas l’espoir de ce qui a semblé être un signe d’ouverture promptement rebaptisé Marche des beurs par les médias et le public, n’a pas réussi sa transformation malgré de nombreuses initiatives de soutien dont la plus emblématique est restée SOS Racisme pilotée par les socialistes.
La parenthèse « black-blanc-beur » après la victoire inattendue des bleus au mondial de foot (1998) n’a pas empêché non plus quelques années plus tard les émeutes dans près de 300 villes et l’instauration de l’état d’urgence (2005). Par la suite les seconde et troisième générations ont creusé un fossé sociétal ne cessant de s’élargir, aggravé par la crise économique des subprimes (2008), la situation internationale du Moyen Orient, les attentats djihadistes en France traumatisants pour le monde entier (2015-2016). Force est de constater malgré des tentatives trop souvent inopérantes un échec du modèle français d’intégration, de sa vocation d’universalisme contredite dans les faits, de son acception de la laïcité rejetée au nom d’autres valeurs clamées par ces minorités auxquelles il est offert.
En réaction pendant la même période des enfants de la diversité ont trouvé un chemin pour s’extraire de la ghettoïsation des banlieues où la puissance publique les avait progressivement enfermés. Ils ont su exprimer sans complexe des genres culturels d’une grande créativité qui ont pris de l’ampleur dans tout l’hexagone sans qu’on y prendre garde, quelques-uns seulement imités des Etats-Unis. Leurs productions ont constitué un renouvellement pour le cinéma devant ou derrière la caméra, pour la langue francophone, pour la littérature. Des festivals de musiques leur ont été dédiés avec le rap, le raï, le reggae, la danse hip-hop, ils ont initié le slam, les stand-up d’improvisation ou d’humour. Ainsi ont-ils déclenché un renversement total du regard porté par le public populaire à leur égard ce qui n’a pas manqué d’interpeller les sociologues quand ces jeunes artistes ont imposé leurs succès grandissants comme le fondement des cultures urbaines.
Une émancipation similaire s’est produite dans le sport de haut niveau joué collectif avec le foot certes, mais aussi le basket ou le handball ainsi qu’individuel en athlétisme, judo, escrime, boxe principalement. Une autre forme d’affirmation a eu lieu dans les quartiers prenant la filière de l’entreprenariat ou mieux des start-up banlieues. Les résonances transmises par les radios pour commencer puis les magazines, les blogs, les chaines TV et les réseaux sociaux leur ont emboité le pas. Dommage qu’aucun mouvement politique ne soit parvenu à éveiller chez ces jeunes un désir d’engagement pour la chose publique suffisant à faire cristalliser leurs énergies multiformes autant que métissées, qui pourrait ainsi réduire l’inquiétante abstention, seul fait majoritaire parmi les électeurs. Loin de s’arrêter à ces quelques éléments, quantité d’autres sujets sont abordés dans cette analyse d’Erwan Ruty écrite avec talent clarté et sobriété.

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  Une histoire des banlieues françaises

  de Ruty, Erwan
  F. Bourin / Essai
  ISBN : 9791025204740 ; 22,00 € ; 20/02/2020 ; 420 p. ; Broché

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