La marchande d'enfants
de Gabrielle Wittkop

critiqué par Kinbote, le 27 août 2004
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Sous le signe de Sade
Publication posthume, que l’on doit aux éditions Verticales en 2003 après que le manuscrit a essuyé de multiples refus. On peut le comprendre, vu le sujet. Dame Marguerite Paradis, tenant commerce d’enfants à Paris, correspond avec Dame Louise qui se lance dans le métier à Bordeaux. Cela commence en 1789 et se termine en 1793. Et Dame Marguerite conseille son amie sur la rigueur etc. à laquelle on est tenu dans l’exercice de cette « profession ». Aucune pratique ne nous est épargnée. Mais la langue est toujours maîtrisée, souvent somptueuse, et l’auteure ne s’appesantit pas sur les détails ; il lui suffit de décrire minutieusement les scènes.
La clientèle de la maquerelle va évoluer lors du changement de régime : des notables de la noblesse et du clergé, on va passer aux responsables du nouveau pouvoir révolutionnaire, même si officiellement son commerce est poursuivi et ses pratiques réprouvées. Dame Marguerite qui parle à la première personne s’interdit toute pitié, ce qui serait un luxe préjudiciable dans son activité, mais elle n’est pas dénuée de discernement ni d’une certaine sensibilité. Elle tombera amoureuse d’un hermaphrodite, qu’elle vendra cependant car «il faut bien vivre », puis tentera de racheter avant de le perdre.

Le livre, comme l’œuvre de Wittkop, est placé sous les auspices de «Donatien l’admirable» qui, on le sait, malgré des écrits sulfureux, ne participa pas aux exactions de ses contemporains.
Le mise en garde, signée Nikola Delescluse, signale que cette auteure d’abord publiée par Régine Desforges en 1972 explore «les territoires ténébreux de la littérature» et nous fait partager ces «périlleux voyages ».
«Elle réagit à des odeurs, des courbes, des étoffes, des bruits, des saveurs, dont l’entremêlement et la perception constituent une pensée qu’on aurait bien tort de réduire à un esthétisme.»
Wittkop cherchait les valeurs qui n’étaient « ni tolérées des gouvernements ni approuvées des jeunesses contestataires », manière de sonder les limites morales de la société, de mettre au jour les usages invariablement condamnés par tous.
Cet ouvrage pose aussi le problème de la cruauté à titre individuel : quand nous cherchons notre plaisir personnel, ne verrouillons-nous pas la liberté de l’autre (Michaux a écrit : « Qui laisse une trace laisse une plaie ») ? Notre pitié est elle sans limite? Quels sont les actes de cruauté que nous nous permettons?
Gabrielle Wittkop a déclaré : « On peut tout écrire mais il faut savoir comment.»
Nul doute qu’elle parvenait à mener à bien ce difficile exercice.
Oh, la salope! 7 étoiles

Un hommage assez réussi au Marquis, bien qu’édulcoré, ce livre requiert un certain recul puisque son sujet est sordide. La confidente sans morale est tout a fait dérangeante, ce qui est le but de la chose. « Les enfants étant des créatures si odieusement parasitaires et importunes, la Nature n’a pu assurer leur conservation qu’en opposant à un cannibalisme par trop justifié le verrou de l’amour parental. » Dira-t-elle sans ciller.

L’exploration de la réalité historique d’un bordel d’enfants du 18e est accomplie avec beaucoup d’humour noir et la musique de la prose est magistrale. Toutefois, dans sa forme - des lettres sans réponses – le caractère répétitif du propos devient lassant. En fait, on a retenu que le côté provocateur de l’évocation de la faune bigarrée de l’endroit sans investir dans le développement des personnages. Ainsi, il est impossible pour le lecteur de se mettre en contexte à moins qu’il connaisse déjà l’époque et ses mœurs.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 28 janvier 2008


Horrible 6 étoiles

Il est difficile de trouver des mots pour décrire cet ouvrage...

J'en ai lu pourtant des choses horribles, pornographiques, violentes, à un point en être blasé, me disant que rien ne me choquera dans la littérature.

La lecture de cet ouvrage m'a bouleversé. A la fois des hauts-le-coeur à chaque page en raison des scènes de torture et de violence, associé à une envie malsaine de continuer à tourner les pages pour voir jusqu'où cela ira.

Très choquant.

Quelle note y mettre? Une note intermédiaire. moyenne entre un zéro tellement c'est écoeurant et une bonne note pour la qualité de la plume et du style de l'auteur.

Happy_kangourou - - 49 ans - 14 janvier 2008