Mon coeur restera de glace de Éric Cherrière

Mon coeur restera de glace de Éric Cherrière

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 29 mars 2021 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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La légende des Faure

Ce roman est construit comme une véritable épopée mythologique, il comporte tous les arguments de la tragédie grecque. Il se déroule en trois temps racontés simultanément : en 2020, à Hambourg, où un ancien tortionnaire nazi, « Le Croquemitaine », plus que centenaire défie son cancer et la maladie d’Alzheimer avec un réel succès ; en 1918, dans la Baie de Somme où un père de famille recherche son fils qui aurait déserté après avoir appris la terrifiante dégradation de son fils lui aussi mobilisé ; en 1944, dans la Haute-Corrèze où le maire d’un village indique un raccourci fatal à des soldats allemands venus capturés des Juifs pour les pendre pour l’exemple.

En 1918 dans la Somme, Lucien parcourt le front pour chercher son fils qui a disparu après avoir mis son poing dans la tronche d’un colonel, le rendant responsable de la démolition de son fils à lui dont il ne reste qu’un tronc, un morceau de jambe et une tête méconnaissable. En Haute Corrèze, la mère du soldat défiguré et démoli se suicide, son autre fils emporte ce frère estropié au plus profond d‘une forêt impénétrable. En 1944, un groupe de soldats allemands est pris à parti par un être inconnu qui se déplace dans la cime des arbres, les massacrant un par un. Cette épopée mythologique, c’est la traversée des horribles guerres du XX° siècle par Lucien, ses enfants et leurs descendants, une véritable légende de la famille Faure.

Eric Cherière a construit une mécanique infernale qu’on ne peut pas évoquer sans risquer de déflorer l’intrigue qui condense dans l’incroyable aventure de la famille Faure les principales horreurs ayant affecté les deux grandes guerres du siècle dernier. Il évoque particulièrement le sort des soldats qui ne voulaient pas porter les armes, perpétrer des violences, tuer leurs congénères… Ceux qui disaient : « Nous ne sommes pas des soldats, … Nous sommes des hommes normaux. Des gens ordinaires. Comme vous. Comme tous ces villageois. Nous avons été mobilisés. Enrôlés de force. Trop vieux, trop jeunes, pas expérimentés … ». Ces soldats pas motivés, parfois même pacifistes, mauvais combattants, pas doués pour le maniement des armes et peu aptes aux efforts physiques sont enrôlés dans la « Ordnungspolizei » et, pour ceux figurant dans cette histoire, envoyés d’abord en Russie pour participer au nettoyage ethnique après le passage des troupes de combat. Ils seront déplacés en France à la fin de la guerre pour lutter notamment contre la Résistance, leurs exploits seront, comme en Haute-Corrèze, souvent d’une ignoble cruauté. La violence quotidienne leur ayant ôté toute l’humanité dont il disposait.

Ce roman évoque l’incroyable cruauté des massacres de résistants ou de Juifs mais aussi les difficultés rencontrées par les enfants des bourreaux qui doivent assumer leur ascendance tout en rejetant plus ou moins violemment ses opinions et ses actes. L’auteur avoue qu’il a muri son texte en lisant le livre de Christopher R. Browning : « Des hommes ordinaires », consacré à ce thème des soldats devenus des bourreaux malgré eux.

Je voudrais également souligner la grande maitrise dont fait preuve l’auteur pour construire une intrigue qui surprendra plus d’un lecteur, les invitant à considérer tout ce les guerres ont engendré sans qu’on n’en parle jamais. Toutes les histoires qui sont restées bien au chaud sous des tapis partout en Europe et même ailleurs.

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