Après le monde de Antoinette Rychner

Après le monde de Antoinette Rychner

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Hamilcar, le 4 mars 2021 (PARIS, Inscrit le 1 septembre 2010, 68 ans)
La note : 7 étoiles
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Ecolo-collapsolo-féminisme

2022. Le monde économique et social s’effondre. Les répercutions du ravage causé par un cyclone dans l’ouest américain sont apocalyptiques. C’est l’anéantissement de la civilisation, la catastrophe est planétaire.
Ce roman, car c’en est un, est angoissant parce qu’il est justement visionnaire. Les systèmes humains mis en place au cours des siècles précédents s’écroulent comme des châteaux de cartes, en une logique implacable. Toutes les structures économiques et politiques disparaissent fatalement. Ce qui effraye avant tout, c’est que tout ça est complètement crédible, totalement cohérent. Amateurs de science-fiction, méfiez vous, il ne s’agit pas là d’une simple imagination.
Cette dystopie post-apocalyptique est l’œuvre d’une femme de lettres suisse, autrice de pièces de théâtre. L’écriture d’Antoinette Rychner est engagée, au service de l’éveil qu’elle semble vouloir susciter à chaque page. Sa lecture d’un possible effondrement mondial est totalement inspirée par les écrits de spécialistes en collapsologie, voire insufflée. Il n’est pas étonnant de voir la recommandation de l’un d’eux pour ce livre.
Les avertissements climatiques évidents n’ont jamais ouvert les consciences d’un monde libéral où profit et surconsommation sont les règles. Alors, quelques pages...
Mais ne nous arrêtons pas sur le message d’alerte qu’Antoinette Rychner nous envoie, C’est tellement plausible qu’on en a très peur. Mais que faire quand on ne peut que constater ? L’imagination, dans ce cas, est un recours qui apaise les angoisses. L’autrice tente d’y parvenir en évoquant les résiliences des êtres humains d’après le monde.
Mais tout ça reste très sombre.
Les êtres humains se doivent de partager pour subsister. L’individu en tant que tel est obsolète. Seules des sociétés constituées de quelques membres peuvent s’en sortir. Les rôles sont répartis, ceux qui ne peuvent rien apporter sont rejetés.
Le livre est composé de deux parties. L’une, la plus longue, décrit la catastrophe et les adaptations humaines. Au travers de Barbara et Chrystelle, les deux personnages principaux, le monde d’avant est évoqué par des « chants pour se souvenir » que les deux femmes écrivent et récitent.
Le monde présent est, quant a lui, l’objet de cours chapitres mettant en scène d’autres femmes. Le choix emprunté par Antoinette Rychner de mettre en scène ses personnages par lettre alphabétique, relève certainement de l’affirmation d’une évolution, d’un ABC subtil mais sans grand impact pour le développement de l’histoire. Et l’utilisation du féminin pluriel systématique pour parler des êtres présents, est un camouflet aux patriarcats, plus qu’un simple effet de style. Tout évolue inexorablement dans le moins bon des mondes mais pas comme au passé, quand les responsables relevaient peut-être d’un phallocentrisme condamnable.
L’écriture se veut écolo-féministe, n’en doutons pas. Quand à la lecture, elle fait naître certains doutes sur le bien fondé de cette composition.
Quand l’autrice évoque des Frères Helvètes s’accaparant du pouvoir central, on suppute la transposition et la condamnation d’un système politico-religieux existant. L’angoisse progresse encore.
La deuxième partie du livre nous téléporte dix huit ans plus tard. Les « chants » employés sont ceux dit "du gémissement" et "pour tenir". C’est dire que cet ouvrage reste noir jusqu’à sa fin, L’invention de nouveaux rapports sociaux, le vivre ensemble repensé ne suffisent pas face à la nature de l’homme. Vient la barbarie. La boucle est-elle fermée ?
Drame humain de l’inconscience collective, l’engloutissement du monde nous hante au plus profond de nous même. Mais ce livre pourrait apporter du réconfort par l’histoire de ces femmes rencontrées au fil des pages. Elle portent un véritable espoir, une résilience salvatrice.
Dommage qu’elles ne font que traverser le livre, par de trop courts chapitres qui ne permettent pas qu’on s’y attache totalement. C’est un abécédaire égrainé, des rencontres furtives.
Elles sont les Voyoutes d’une comptine pour enfant, une petite fille rencontrée dans le livre et qui laisse espérer un bel avenir.
Mais Antoinette Rychner ne vous lâchera pas, elle a son message à faire passer, assurément.
Un livre exceptionnel par sa composition, par son écriture efficace, qui interpelle plus qu’il ne passionne. Un brin écolo-bobo-féministe.

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