La couleur pourpre
de Alice Walker

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 25 août 2004
(Montréal - 54 ans)


La note:  étoiles
Prix Pulitzer 1983
Voici un roman énorme, non dans son nombre de pages, mais plutôt en raison de sa réputation à titre de classique de la littérature américaine. Il s'agit ici tout de même d'une oeuvre accessible qui trace un portrait réaliste et parfois dérangeant de la vie de Celie, une jeune femme noire au passé tragique, qui apprend comment survivre, grandir, et surtout comment aimer.

La structure du livre en forme de journal via des lettres de la narratrice écrites à Dieu et à sa soeur, permet d'établir une liaison intime avec le lecteur dès le début et infuse une bonne dose d'espace dans ce texte fort en émotion. Il faut noter que la langue utilisée dans tout le livre est parfois exaspérante car l'auteure a voulu souligner le manque d'éducation de sa narratrice, mais on s'y habitue rapidement.

Au fil des pages, on suit le parcours spirituel de cette femme docile mais forte qui réussit à surpasser les obstacles. On y rencontre l'entourage de Celie et sa soeur missionnaire en Afrique. On nous plonge dans cet univers où les relations entre noirs et blancs sont encore tendues. La violence est omniprésente, la pauvreté aussi. Avec une grande dignité, les femmes de ce monde dominé par les hommes, prennent leur place et émerge.

J'ai été agréablement surpris par le talent de Mme Walker pour évoquer des personnages vivants et intéressants, de même par son habileté à traiter d'une époque avec une grande humanité. Un roman tout simple mais très puissant qui est devenu un incontournable, avec raison.
Pas pleinement convaincu 5 étoiles

La rédaction de cette histoire, sous la forme de courriers entre deux sœurs, s'avère originale.

L'ensemble rapporte leurs conditions de vie difficiles tant elle sont mal considérées et qu'elles côtoient une misère quotidienne.

J'avoue ne pas avoir été pleinement embarqué dans ce roman, et les nombreuses répétitions n'ont pas aidé.

Tout comme la galerie de personnages dont on a parfois du mal à comprendre les liens familiaux, tant chacun se retrouve dans le lit de l'autre.

Ayor - - 51 ans - 18 février 2021


Portraits de femmes 8 étoiles

Années 1930, Memphis. Celie et Nettie sont deux soeurs, elles sont séparées par plusieurs milliers de kilomètres mais elles s'écrivent, comme un lien qui ne se brise jamais et les aide à garder espoir. La vie des femmes pauvres et noires américaines n'est pas évidente à cette époque…
Quel livre ! J'avais choisi ce livre pour une lecture commune (club de lecture) et j'avoue que le premier chapitre m'a fait un choc. Inceste, enfants perdus de vue et autres horreurs. J'ai failli fermer le roman illico mais j'ai pensé aux avis enthousiastes et j'ai poursuivi. La couleur pourpre est un livre sur la condition féminines des Noires dans le Sud des Etats-Unis. Celie est une jeune fille au début du roman et est soumise à son mari. Sa jeune soeur, Nettie, a eu de la chance d'avoir eu de l'instruction et est partie en Afrique en tant que missionnaire. J'ai beaucoup aimé cette tendre correspondance, même si leurs lettres ne sont que des lettres au bon dieu ou non reçues… Alice Walker peint des portraits de femmes qui souffrent mais ne renoncent jamais. J'ai particulièrement apprécié la jeune Sofia, même si elle est très directe dans ses échanges. J'ai été un peu déstabilisée par l'absence de repères temporels, comment d'années sont passées depuis son mariage avec Monsieur ? Ou entre l'union entre le fils de Monsieur et Sofia et leur nombreuse descendance ? Ça renforce la simplicité de Celie qui raconte sa vie sans détails mais ça m'a empêché de situer tel ou tel moment.
Un magnifique roman, je pense regarder le film avec Whoopi Goldberg même si je crains qu'il ne soit pas très fidèle.

Shan_Ze - Lyon - 40 ans - 11 décembre 2020


Chère Miss Célie 10 étoiles

"Cher bon dieu". Qui d'autre pourrait bien recevoir les confidences de Célie ? Sa mère est morte. Son père, après lui avoir enlevé à la naissance les deux enfants qu'il lui a fait, l'a mariée à "Monsieur", un veuf qui a plus besoin d'une bonne que d'une épouse avec ses 4 enfants en bas âge. Quant à sa sœur Nettie, après avoir fui les avances de leur père et de Monsieur chez qui elle avait trouvé refuge, ne donne plus de ses nouvelles. Pourtant, avant de taper à la porte d'une missionnaire noire qu'avait rencontrée Célie par hasard et qui portait dans ses bras une petite fille qui lui ressemblait, avait promis de lui écrire : "Il n'y a que la mort qui m'en empêchera". Mais Célie ne reçoit pas de lettre. Bientôt Shug, chanteuse et femme de mauvaise vie dont est amoureux Monsieur, avec son cœur sur la main et son corps brulant, apparait. Sans compter Sofia, la prétendante d'Harpo, le fils ainé de Monsieur, qui ne s'en laissera pas compter, ni par un homme, ni par un blanc. Et c'est toute la vie de Célie qui s'apprête à changer.

Quel roman magnifique, émouvant, sublime. Il faut dire que les personnages sont de ceux que l'on n'oublie pas, que l’on porte en nous bien après avoir refermé le livre.
C'est à la fois une sorte de photographie de la vie des femmes noires dans les années 1900 en Georgie, mais aussi un hommage à celles qui, noires et femmes, n'avaient que des handicaps pour mener leur vie. Battue, humiliée, maltraitée, Célie supporte tout en silence, avec dans son cœur ses lettres au bon dieu, et l'espoir insensé de revoir un jour sa sœur Nettie. Nettie, qui plutôt que de plier s'enfuit et prend son destin en main. Sofia, la belle Sofia, si dure, si aimante, si sure de son droit à exister et à être respectée, et qui pourtant sera brisée. Et Shug bien sûr, qui, par sa beauté, son talent, sa façon d'être, mène les hommes par le bout du nez. Il faut quand même dire de ces hommes que côtoie Célie qu’il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Les blancs non plus d’ailleurs n'ont pas le beau rôle.
Ecrit sous forme de lettres avec un seul expéditeur au départ (le bon dieu ne répond pas directement à Célie), "La couleur pourpre" nous parle de la place des femmes dans une société qui peine à évoluer, évoque leur transformation, nous parle de la religion, de l'espoir, du pardon, et de la rédemption. Il nous montre comment l'écriture peut sauver des femmes du désespoir. Et si le propos est souvent grave, l'auteur ne tombe jamais dans le misérabilisme, et l'écriture n'est pas dénuée d'humour : "Et alors ? S'il (le bon Dieu) ouvrait ses oreilles toutes grandes pour écouter les femmes noires, le monde ça serait quand même autre chose, c'est moi que j'te l' dis" !
Un vrai coup de cœur.

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 48 ans - 21 janvier 2013