Lettres de Treste
de Daniel De Bruycker

critiqué par Sahkti, le 24 août 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Le regard d'un enfant
Dizoût est un enfant, c'est le narrateur de "Lettres de Treste". Il est zelbe, pas trestovar. Son grand-père est un bonhomme sage et étrange, qui erre de rue en rue, à la recherche de fantômes et de souvenirs invisibles. Dizoût était heureux, il disposait de sa propre chambre, avait un tas d'amis. Puis un jour il a fallu déménager. A la cave. Se cacher en attendant que ça aille mieux.
Alors Dizoût a commencé à raconter sa vie, ce qu'il faisait de ses journées, envoyant un tas de lettres à sa correspondante parisienne en prenant soin de ne pas donner son adresse. Missives à sens unique qui permettent à Dizoût de supporter les difficultés du quotidien.

"Lettres de Treste" est un roman triste, noir, le récit d'un massacre, le doigt pointé sur la honte des génocides et autres saletés de l'Histoire. Daniel De Bruycker ne porte aucun jugement ouvert, il le fait plus subtilement, nous confiant ces lettres, reflet de la bêtise humaine et des espoirs déçus d'un enfant. A nous de comprendre ce qui se passe. Mais le voulons-nous? Que faire de cette révolte qui nous gagne? Comment la vivre? Surtout ne pas fuir, réfléchir, agir à tout prix. Pour la tolérance et la liberté.
Complainte en sous-sol. 7 étoiles

J’ai beaucoup aimé aussi ces lettres de Dizou à sa correspondante parisienne Mademoiselle Douzemai.
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cette autre enfant bien connue et réelle : Anne Franck qui elle aussi transmettait à son journal intime, le quotidien claquemuré de toute sa famille.

Dizou décrit sa ville comme il l’aime, tout du moins ce qu’il en reste petit à petit dans sa mémoire au fil du temps qui passe dans cette cave. Il parlera volontiers de cette communauté de Zelbe dont il fait parti. Il n’avait jusque là, jamais vu la différence entre les Trestovars et les Zelbes, d’ailleurs comme dit sa maman : ils ne veulent plus nous voir. Et, c’est pour cela que l’on ne les voit plus. Il s’inquiète aussi pour sa petite sœur Vintavril qui n’a connue que cette pièce, il a peur qu’elle pense que cet espace incarne Treste. Il a la nostalgie de sa maison qui était à la surface.
Comme un conte à la manière de « la vie est belle » de Roberto Benigni, Dizou se servira de ces lettres pour ce créer un monde moins douloureux, moins cruel. Mais petit à petit, les évènements l’amèneront à se poser d’autres questions, il lui faudra agir, prendre des décisions, devenir responsable et adulte rapidement, puis…
Personnages fictifs, pays imaginaire, peuple hypothétiques et pourtant bien réel. Daniel de Buycker nous plonge habilement dans un univers concentrationnaire et ségrégationniste. Sa plume rend grâce à ces opprimés de l’histoire passée et présente.
Le récit épistolaire à sens unique nous amènera à l’essentiel, aucun besoin de réponse, car il n’y a pas à comprendre, comprendre c’est humaniser disait Primo Levi.

THYSBE - - 67 ans - 7 février 2005