Rosewater, Tome 1 :
de Tade Thompson

critiqué par Cédelor, le 6 janvier 2021
(Paris - 52 ans)


La note:  étoiles
De la SF atypique vraiment intéressante
Rosewater. J’avais noté ce livre à lire dans le domaine de la science-fiction, comme étant un livre nouveau et original. J’ai fini par le lire et mon impression générale est très favorable.

Alors l’histoire se passe au Nigeria, dans un futur proche. Déjà, un roman de SF se passant dans un pays d’Afrique, ça n’est pas courant, et ça se remarque rien que pour ça. Ensuite, on apprend que ce livre a obtenu le prix Arthur C. Clarke en 2019. Ce qui donne aussi un indice sur sa qualité, du moins cela fait l’espérer.

Ça débute avec Kaaro, qui est le personnage principal du roman, qui raconte tout de son point de vue. C’est un jeune homme nigérian qui a un travail un peu spécial dans une banque locale : il est « pare-feu mental », c’est-à-dire qu’il est payé pour protéger les bases de données de la banque contre les intrusions psychiques de pirates de tous poils, via la xénosphère, qui est un vaste réseau d’informations d’origine extra-terrestre flottant dans l’air, à la fois invisible et dense. Voilà déjà pour le début. Et ce n’est qu’un début ! Le roman est une vaste construction purement SF, qui réussit à y intégrer nombre de sous-thèmes propres à ce genre : extra-terrestres donc, mais aussi monstres, télépathie et autres perceptions extra-sensorielles, robots, portes spatio-temporelles, fantômes, super-héros, zombies, et j’en passe.

Et le roman est donc centré sur Kaaro, jeune homme un peu immoral, voleur, insolent, indifférent, qui n’a que vaguement conscience des conséquences de ses actes. Une sorte de anti-héros, pas toujours sympathique, mais qui, à cause de ces faiblesses humaines plutôt désagréables, en devient attachant, surtout qu’il se révèle en fait peu méchant et plutôt bon cœur. Le monde dans lequel il fraie est celui du Nigeria dans les années 2055 à 2066, qui est celui d’aujourd’hui auquel on a rajouté des babioles technologiques et un dôme extra-terrestre apparu au milieu de nulle part dans ce pays d’Afrique, autour duquel se sont agglomérées des constructions humaines, devenues peu à peu une ville appelée Rosewater, d’où le titre.

On suit donc les aventures de Kaaro, anti-héros africain qui doit risquer sa vie à chaque chapitre ou presque, à son corps défendant. Tellement que ça en est lassant parfois. Mais bon, c’est un roman de SF qui n’est pas dans le genre contemplatif ! Cela plaira aux amateurs d’actions en tout genre. Mais ce n’est pas seulement un roman à la simple équation action/baston. Il est plus que cela. Il est enraciné dans le contexte socio-culturel du Nigeria: pauvreté, violences, écarts riches-pauvres, haines tribales, superstitions religieuses, corruption des politiques, et qui montre aussi toute la richesse de la diversité humaine et de classe de ce pays. C’est ce qui le rend intéressant et différent de la production habituelle (ou de ce que j’en connais, c’est-à-dire pas beaucoup). On découvre ainsi le Nigeria, pays d’Afrique très méconnu à part son équipe nationale de football et Boko Haram…

Et tous les différents sous-thèmes sont imbriqués dans une histoire à tiroirs temporelle, où l’on passe de telle année dans le présent de Kaaro à telle année dans son passé, en chapitres alternés. C’est complexe, astucieux, intelligent, et il faut vraiment se concentrer pour garder le fil des diverses narrations.

Le gros thème du roman, ce sont les extra-terrestres qui sont arrivés sur Terre et ont construit un dôme quelque part au Nigeria, autour duquel s’est construit une ville, appelée Rosewater et où vit Kaaro. 1 fois par an, ce dôme, hermétiquement fermé toute l’année et que rien ni personne ne peut traverser, s’ouvre et dispense guérisons miraculeuses à tous les malades autour qui se sont rassemblées pour cela. Un cancéreux est guéri de son cancer, un enrhumé de son rhume et même un cadavre de sa mort ! Pourquoi ce dôme et que font vraiment ces extra-terrestres ? Représentent-ils une chance ou une menace pour l’humanité ? La fin du livre vous apportera bien des réponses à ces questions et à d’autres mais pas à toutes les questions. Il faudra lire les second et troisième tomes pour le savoir, je pense. Et je pense que je les lirai un jour.

Car oui, j’ai bien aimé ce Rosewater, très maîtrisé, bien écrit, vivant, mouvementé, même trop parfois, au point d’en être incrédule. Et c’est peut-être là le point faible du roman, trop c’est trop. Mais après tout, il en faut pour tous les goûts, et c’est le type de livre qui forcément plaira plus à certains et moins à d’autres. Le type de livre qui ne peut pas faire l’unanimité, mais qui fera passer de très bons moments de lecture à ceux à qui il plaira !

Une découverte pour moi, que cet auteur nigérian vivant à Londres, Tade Thompson, qui a su créer là une histoire et des personnages attachants. À suivre, assurément.