Sur la photographie
de Susan Sontag

critiqué par Pucksimberg, le 30 décembre 2020
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
L'image dans notre monde moderne
Susan Sontag était passionnée par la photographie et ses essais sur ce sujet sont une référence fiable dans ce milieu artistique. En France, Susan Sontag n’a pas la renommée qu’elle mériterait. Ce recueil d’essais est passionnant, riche et accessible. L’écrivaine et essayiste définit la photographie et ses visées, s’interroge sur sa relation avec le réel, observe les motifs photographiés, analyse le rôle du regard du photographe tout en évoquant aussi le rôle de l’observateur, confronte la photographie à la peinture et questionne la place de l’image dans notre monde moderne. Elle ne se focalise pas uniquement sur la photographie d’art, tous les genres de photographies ont alimenté sa réflexion.

Ses essais sont intelligents et s’appuient sur de nombreux exemples étayés. Cela donne vraiment envie de découvrir tous ces grands photographes. Les exemples sont toujours évocateurs et suscitent une grande curiosité chez le lecteur. Sans nul doute, le caractère passionné de Susan Sontag joue un grand rôle dans ce plaisir éprouvé. Le point de départ de la réflexion repose sur le mythe de la caverne de Platon. Et c’est avec finesse et justesse qu’elle en vient à dépasser cette réflexion en l’adaptant au monde contemporain. Comment peut-on considérer aujourd’hui les images puisqu’elles ne sont plus les ombres platoniciennes ? L’écrivaine s’appuie aussi sur des exemples empruntés à la littérature. Proust, Walter Benjamin, Baudelaire entre autres seront convoqués. Il est passionnant de voir comment Susan Sontag les intègre dans son argumentation. Elle n’hésite pas non plus à s’appuyer sur la peinture et à évoquer la concurrence qu’il y a longtemps eu entre ces deux arts. Elle tisse des liens entre les impressionnistes qui jouaient avec la lumière dans et la photographie. Comme de nombreux essayiste, elle n’hésite pas aussi à s’appuyer sur son expérience comme en témoigne l’essai qui évoque l’opération chirurgicale à laquelle elle a assisté. Tous ces exemples ne relèvent absolument pas d’un pédantisme affiché, ils sont tous justifiés pour éclairer ces nombreux arguments.

Le lecteur a conscience de lire une œuvre majeure. La réflexion est aboutie et la culture de l’écrivaine a quelque chose de magnétique. Son écriture est belle et très travaillée. La traduction semble être vraiment de qualité. Les textes sont agréables à lire et ne s’adressent pas qu’à des personnes maîtrisant le sujet. L’on a presque le sentiment que Susan Sontag converse avec son lecteur, pour lui expliquer ou le convaincre que ses idées sont pertinentes. De plus, elle possède une hauteur de vue qui donne de la force à ses idées. Elle s’appuie évidemment sur de nombreux photographes américains comme Diane Arbus ou Richard Avedon, et d’autres bien plus anciens, mais elle s’appuie aussi sur des photographes célèbres européens. Le rapport de la Chine à la photographie n’a pas été oublié.

Ce recueil d’essais préfacé par Susan Sontag et complété par une petite anthologie de citations ( photographes, écrivains, slogans publicitaires … ) est vraiment passionnant. C’est grâce aux émissions de la Compagnie des auteurs sur France culture consacrée à cette femme que j’ai eu une profonde envie de découvrir cette essayiste. Ces émissions sont en réécoute sur le site de la radio. Et je pense que nous avons beaucoup à apprendre de cette écrivaine