Destin français
de Éric Zemmour

critiqué par Alceste, le 21 novembre 2020
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Le retour en force de l'Histoire
Avec M. Zemmour, l’Histoire revient en force, non pour faire passer de douillettes soirées devant « Secrets d’histoire », mais, comme dit l’Évangile, pour apporter le glaive, la division au sein de la famille France. De Clovis à De Gaulle, c’est le tragique de l’histoire qui ressort. Les rapports de force qui se sont exercés de l’origine jusqu’à nos jours expliquent les clivages d’aujourd’hui.

Ce qui est frappant c’est la capacité de M. Zemmour d’élaborer de grandes synthèses, des rapprochements saisissants, de faire apparaître la concordance des temps, selon l’expression de Jean-Noël Jeanneney. On sent qu’il a fait sienne la pensée de Tocqueville : « l’Histoire est une galerie de portraits où il y a peu d’originaux et beaucoup de copies. »

Bien sûr, ses détracteurs diront qu’il déforme l’Histoire, qu’il l’instrumentalise pour asseoir son idéologie, mais j’attends impatiemment ceux qui pourront lui tenir la dragée haute sur ce terrain pour lui porter la contradiction. Ceci dit, cet épais volume recèle, outre un torrent d’érudition, quelques surprises qui nous prennent parfois à rebrousse-poil :

Ainsi, Voltaire est conspué, et Robespierre, salué. La Tour Eiffel n’est pas déboulonnée, mais son architecte oui… François Ier est « « notre Kennedy », ce qui sous la plume de M. Zemmour n’est pas un compliment. De Madame de Staël, il affirme : « Elle cause plus, elle flingue » … Le journaliste n’est jamais loin. Certaines figures dont l’importance historique n’est plus évidente sont exhumées. Qui connaît encore l’œuvre d’un Charles VII, d’un Méline, d’un Maupeou, d’un Soustelle? Réponse dans l’ouvrage. À l’heure où la mort de de Gaulle est commémorée, il est saisissant de voir le parallèle entre ce dernier et Pétain, et l’on comprend pourquoi Philippe de Gaulle porte ce prénom…

Extraits révélateurs de la transversalité de la vision historique :

« Saint-Simon sera à Louis XIV ce que Voltaire fut à Louis XV, Chateaubriand à Bonaparte, Victor Hugo à Napoléon le Petit, le contempteur flamboyant et inspiré d’un règne, toujours de mauvaise foi, mais parfois divinatoire, incarnant l’opposition entre le sceptre et la plume, l’homme providentiel et le grand écrivain, le roi et le prophète, qui se mirent l’un l’autre dans un tête-à-tête unique au monde et si français. »

« Après 1848 et son « Printemps des Peuples, après l’internationalisme de la Commune, après 1918, 1968 est l’ultime date qui borne le divorce de la gauche avec la nation. Les étudiants manifestent en criant : « Nous sommes tous des juifs allemands. » On est revenu à la case Départ. On est revenu au cosmopolitisme bourgeois du siècle des Lumières. On est revenu à Voltaire. La « religion de l’humanité » reprend ses droits. Au nom des droits de l’homme, on méprise les droits du citoyen. Au nom de l’Europe, on méprise la nation. Au nom de l’ouverture à l’Autre, on méprise la volonté générale. Au nom de la fraternité universelle, on méprise la préférence nationale. On s’émeut de nouveau des malheurs de la « Tartarie » pour mieux dédaigner les malheurs de ses voisins, les pauvres et les chômeurs, les ouvriers délaissés du nord ou de l’Est de la France. La République est douce aux étrangers et dure aux patriotes. La gauche jette Rousseau par-dessus bord une nouvelle fois.
Et se glace les os au sourire hideux de Voltaire. »