Là où s'étreignent les silences
de Anne-Marielle Wilwerth

critiqué par Débézed, le 14 novembre 2020
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
La musique du silence
En haut à gauche (en pensant à Erri de Luca) de chacune des pages de ce recueil : un quintil, deux ou trois mots par vers, rarement plus, une extraordinaire économie de mots pour évoquer la mer, les champs et les prés, les rivières, un monde presque vide, originel, peuplé seulement de quelques petits animaux mais surtout d’un silence intense. Le silence que l’auteur a placé en exergue à ce recueil sous la plume d’Eugène Guillevic « Le poème est la sculpture du silence ». Ce silence paradoxalement tellement audible dans la douce musique des mots choisis par l’auteure :

« … avec ses vastes prairies / où s’étreignent / les silences. »
« …/ la même danse que le silence. »
« Gratter l’allumette / d’un juste silence / … »
« Derrière la grand-voile du silence / l’horizon / … »

Un silence musical pour évoquer la douceur de vivre, la lenteur affectée du geste, la fragilité des choses, le peu confinant au rien qui constitue le monde qu’Anne-Marielle dépeint. Un monde en totale contradiction avec la fureur de vivre et de détruire que nous connaissons actuellement.

« On la voudrait plus douce / cette vie… »
« Les petits ouragans de douceur »
« Remonter du puits / le seau de la lenteur / … »
« Les ombres frêles »
« Ce rien qui pèse beau / Nous frôle / … »
« …/ nous irons / vers un lieu paisible / qui désapprend et renouvelle »

Anne-Marielle emmène le lecteur par le bout des mots qu’elle disperse avec parcimonie comme pour respecter le silence qu’elle voudrait nous réapprendre pour nous fous faire oublier la folie qui nous oppresse :

« Prenons le temps / d’écouter / les mots impatients / … »

Et nous lirons à voix haute ce sublime quintil comme une prière aux dieux de l’espace et de l’éther pour qu’il nous redonne le silence originel :

« Il bruine sur le sublime / Nous lui parlerons / en phrases courtes / afin que sa densité / ne faiblisse ».