Noms prénom de Xavier Dandoy de Casabianca

Noms prénom de Xavier Dandoy de Casabianca

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Eric Eliès, le 28 octobre 2020 (Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans)
La note : 8 étoiles
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Interrogation sur la vie et le rapport au temps

Cette petite plaquette au format d'un carnet de notes, dont la jaquette présente une sorte d'intrigante et très belle nature morte (à la fois nocturne et marine), a été minutieusement composée et imprimée, avec une division à mi-volume marquée par l'usage de différentes polices de caractère. Il contient également un poème visuel, forme inventée par l'auteur qui utilise les signes typographiques pour composer un tableau jouant du vide de la page.

Néanmoins, le recueil intrigue d'abord par son titre, dont la clef ne sera pas explicitement livrée, mais qui renvoie de toute évidence au nom composé de l'auteur qui confesse qu'il n'a pas su se nommer pendant longtemps . Pourtant, dans ces courts poèmes, aux vers parfois lapidaires comme une annotation pour fixer une pensée ou un sentiment, l'auteur ne cherche pas à évoquer ses racines familiales ou à sonder les (éventuels) mystères de sa généalogie. Même si quasiment tous les poèmes sont écrits à la 1ère personne, affirmant le "je", il n'y a pas de volonté autobiographique (malgré la présence d'un poème appelé "bio" !) mais juste un questionnement : "qui est je ?", auquel l'état-civil n'apporte pas de réponse. En fait, l'auteur interroge son ipséité à travers son rapport au temps, son histoire personnelle via la mémoire individuelle des souvenirs marquants, qui définissent la trame d'une vie qui a quitté le monde de l'enfance, et l'immersion dans l'instant présent, qui est le seul réel.

Fin du monde, fin de moi, faim de l'instant

Le temps use et casse, aussi bien le corps que la mémoire. Les souvenirs (passé) et les espoirs (futur) s'énoncent par les mots, mais les mots, même ceux du poème, sont de piètres exutoires et n'offrent aucun apaisement.

même pas un poème
où me poser
comme une branche accueillante.
dont nous avons besoin

Les poèmes sont pleins d'images évoquant un passé enfui (à la recherche du premier souvenir : était-ce la découverte de la mer, à trois ans, ou la vision d'un légume sur la table de la cuisine ?) ou évanescent, presque délabré (balançoire couchée au sol, enfance en friche comme un terrain vague derrière une palissade) et insaisissable comme la couleuvre fuyant dans les pierres.

(et ce n'est que du quotidien
que tout est né.)(le souvenir de ma première
pensée, avec certitude. La mer à Mahajanga.)
(ou était-ce ce chou-fleur au centre de la table ?)
(comme la question...

En miroir du passé, le futur est gravide de promesses vaines, puisque tout est promis à disparaître comme les locomotives âgées en gare de Bastia, retirées du service, ou l'église abandonnée, devenue vide et froide, repaire de chauve-souris. Le temps érode et détruit (l'âge que nous avons coule comme la lave), jusqu'à provoquer la prise de conscience que la jeunesse est perdue.

(...)
dehors
je me rends compte que je suis le seul jeune
le SEUL
et plus si jeune
déjà

Face à ce flux du temps, inexorable comme une loi cosmique (l'auteur évoque le dharma), il peut y avoir tentation du silence (silex / silence Xavier) ou d'une mise à l'écart, d'une vie vouée à la contemplation (on a pensé ici / toucher le bonheur du retrait / le réel coule / la vie coule / l'eau coule / Depuis mon hublot je les vois couler) mais c'est un leurre. Et le verbe "couler" est d'ailleurs ambivalent, évoquant aussi bien l'écoulement que le naufrage ! L'important est d'ETRE, d'être dans l'ici et le maintenant, sans se hâter et sans s'inquiéter du terme (puisque le Ciel - l'auteur est croyant - nous apportera la réponse attendue) mais en se souciant juste des premiers pas et des commencements, en retrouvant le goût de l'enfance pour les terres en friche et les choses à naître...

Aucune image ne traduira
l'excès du vent, le soleil derrière soi
j'ai choisi d'être
(...)
Je ne tiens à rien d'autre qu'à mon ici,
je suis cette araignée à son fil invisible
(...)
Tu nais chaque jour
en plusieurs de tes endroits

Aussi, le recueil m'apparaît avant tout comme une célébration des moments d'immersion totale dans l'instant présent, comme une sorte d'accès à une plénitude existentielle absolue et hors du temps.

Alba

Est-ce que la retrouver c'est la vie ?
être avec elle sans rien d'autre
imaginer son coeur tout petit tout frais
compter les cuillères de lait pour le biberon
ne plus savoir l'heure (ni le jour ni la nuit) car la montre est morte
(...)

Alors la vie déborde, permettant la rencontre et le partage, comme si Etre n'avait de sens dans le don de soi, qui est un autre nom de l'amour, aussi bien charnellement (ta vie de rien redevient par le contact / de deux peaux) que spirituellement :

J'ai vu, j'ai envié

Je ne la retrouverai plus cette pureté
je ne serai plus jamais pur

quelque chose en moi
s'est alors déversé
et je ne me suis plus qu'attaché
à donner le plus, à donner le mieux,
à donner tout ce que je pouvais
(...)

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