La chance de leur vie
de Agnès Desarthe

critiqué par Marvic, le 16 octobre 2020
(Normandie - 65 ans)


La note:  étoiles
énigmatiques personnages
Hector, Sylvie et leur fils Lester quittent Paris pour les Etats-Unis où Hector, professeur de philosophie, vient d’obtenir un poste dans une université de Caroline du Nord. Ils ne savent pas pour combien de temps ils partent , 6 mois, 1 an ou plus.
Hector est subjugué par l’accueil qu’il reçoit, collègues et élèves trouvent beaucoup de charme à ce sexagénaire français.
Quant à Sylvie, elle est un peu perdue dans cette grande maison, cette ville immense où elle peine à trouver ses repères. Introvertie et timide, elle finit par s’inscrire à des cours de poterie, observant les différentes personnalités qui l’entourent, malaxant son morceau de terre, jusqu’à ce que la création devienne une évidence.
Lester, adolescent (trop?) calme, semble s’habituer à sa nouvelle école et avoir déjà des amis. Son comportement paraît parfois pourtant étrange lorsqu’il décide de s’appeler Absalom Absalom, et qu’il ne se sépare jamais des Confessions de saint Augustin .

Cette famille française semble parfaite. Mais le comportement volage du mari, la passivité de son épouse et l’étrangeté du fils, sorte de gourou pour jeunes en souffrance, vont susciter une totale incompréhension dans leur entourage américain. Cette famille ne se conforme pas aux normes.

Le personnage de Sylvie est le plus perturbant. Elle aime profondément son mari, amour réciproque, mais ne ressent aucune jalousie, aucun sentiment de propriété. Elle est seule avec ses questionnements de femme de 60 ans, ses interrogations sur la normalité, sa souffrance intacte de la mort de sa fille. À la limite d’une non-existence assumée, presque revendiquée.
"Je ne suis rien. ... Elle voudrait expliquer qu’être rien est un idéal qu’elle poursuit, que son parcours s’inspire du dogme du non-agir, que cela n’est pas le signe d’une défaillance, d’une situation humiliante, mais d’une éthique, d’un choix de vie."

"Mon temps est passé, pense-t-elle, mais je persiste. Mon courage est là dans le fait que je demeure, maillon inutile d’une chaîne économique à laquelle je ne participe pas, camarade d’une ronde qui jamais ne me désignera comme souveraine."

Un récit qui déroule quelques mois de la vie d’une famille, bouleversant contre leur gré leur équilibre, et dont le personnage principal dérange le lecteur ou plutôt la lectrice que je suis. Un roman intéressant sans être passionnant, peut-être par le manque de réactivité, d’activités des personnages qui subissent plus qu’ils n’agissent.