Histoire du fils
de Marie-Hélène Lafon

critiqué par Cyclo, le 12 janvier 2021
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
Le "bâtard"
Ce roman évoque la quête d'identité d'un homme qui n’a pas connu son père et que sa mère a confié tout petit à sa sœur et son beau-frère, comme enfant surnuméraire nanti de trois cousines plus âgées et qui vont le bichonner.
Le récit est fait de chapitres qui se suivent dans une savante déconstruction chronologique de 1908 à 2008 : épisodes qui font naviguer le lecteur d’Aurillac à Figeac en passant par Chanterelle (Cantal) et Paris. Une fois le premier moment de surprise causé par ce désordre chronologique, on est ébloui par la construction, et on découvre peu à peu les secrets de cette famille, et on finit par retomber sur ses pieds, même si c’est seulement le fils du héros qui lève les dernières vérités sur le père du bâtard ! Une écriture simple, mais très concise et toujours juste, nous permet d’explorer les zones d'ombre, les trous d’une vie de famille. Il y a très peu de dialogues et pourtant on ne s’ennuie jamais. Le héros, André, a grandi aimé, choyé, entouré par sa tante, son oncle qui lui ont servi de père et mère, mais un jour, s'il connaît bien sa vraie mère, qui vient une fois par an pour les vacances, il découvre qu'il a un père. Mais il lui faudra attendre d’engendrer lui-même un fils pour essayer de retrouver sa trace.
Un roman à la fois banal et dense et une prouesse d'écriture : j’ai lu plusieurs romans de cette auteure ; ils sont tous de qualité.
Un prix Renaudot mérité.
Un puzzle familial et temporel 8 étoiles

Un enfant ayant peu connu ses géniteurs finit par partir en quête d'information à leur sujet, et c'est cette recherche qui est retranscrite, de manière savamment déstructurée, ne suivant pas la chronologie. Si le procédé apparaît un tantinet gratuit en début de lecture, il relate que ce puzzle s'avère conforme à l'histoire familiale du protagoniste, l'importance des lieux lui donne une forme de force.
Austère et sensible, ce roman fait réfléchir sur la construction des histoires personnelles et familiales.

Veneziano - Paris - 46 ans - 2 décembre 2022


"Le sang n’est rien" 7 étoiles

Armand et Paul Lachalme naissent en 1903 dans le village de Chanterelle où leur père est un  aubergiste  prospère. Georges arrive quelques années plus tard. Les trois garçons sont élevés par leur mère et leur tante Marguerite aidées par Antoinette jusqu’au drame.
Paul et Georges suivent des études brillantes au lycée où Paul est séduit par la nouvelle infirmière du pensionnat Mademoiselle Léoty.

André est le fils de Gabrielle qui vit à Paris et le confiera à sa sœur Hélène à Figeac. Adopté et choyé par sa tante, son oncle Léon et ses trois cousines plus vieilles de quelques années, cette famille devient la sienne, tant il est aimable et aimé. La visite de sa mère biologique deux fois par an, ainsi qu’une certaine froideur distante ne suffiront pas à tisser des liens entre eux. Et personne ne connaît le père biologique d’André.

André grandit, épouse Juliette, est heureux, la présence de Léon pendant toute son enfance occultant cette absence de père. "Le sang n’est rien. Léon est son père choisi, élu."
Mais Gabrielle, le jour du mariage de son fils, fera des révélations à Juliette.

Marie-Hélène Lafon raconte les relations familiales sur trois générations de 1908 à 2008 avec toujours autant de justesse, d’élégance, de délicatesse pour décrire les relations entre des gens attachés à un terroir, transmettant ou perdant leurs traditions. Mais gênée par l’absence de chronologie, perdue parfois dans les prénoms, dans les personnages, ce roman ne fera pas partie des titres préférés de cette autrice que j’apprécie.

Marvic - Normandie - 65 ans - 2 avril 2021


Une galerie d'art 10 étoiles

Un merveilleux moment de lecture!
L’auteure nous raconte l’histoire d’une famille mais pas une saga de 800 pages avec des mots inutiles afin de remplir des pages, mais un livre de 171 pages avec le choix des mots.
Une magnifique écriture et un merveilleux vocabulaire.
Il faut dire que Marie-Hélène a une obsession : le mot juste à la bonne place.
Tellement bien écrit que ce livre peut être lu à voix haute afin de lui donner une autre profondeur.
L’auteure écrit chaque chapitre comme un tableau donc le livre est comme une galerie d’art sans ordre chronologique.
Cela peut perturber le lecteur, il faut donc bien lire la date reprise en début de chaque chapitre afin de se positionner sur la ligne du temps.
Ce roman est fait au départ d’une histoire vraie avec des ajouts nécessaires.

Bref un coup de cœur !

Koudoux - SART - 59 ans - 5 février 2021


Un puzzle littéraire 10 étoiles

Sur le fond, ce roman, inspiré de faits réels qui se sont déroulés entre 1908 et 2008 est d’une extrême concision : un siècle tenant sur 171 pages seulement ! Une gageure que l’auteure tient à merveille comme d’ailleurs dans tous ses ouvrages, les longues sagas familiales n’étant pas son genre, a-t-elle d’ailleurs admis au cours d’une interview.

Mais ici, cette histoire aux accents «Modianesques» -la quête d’identité d’un fils, né de père inconnu émaillée de multiples lieux et dates énumérées « à rebrousse-temps »- requiert de la part du lecteur une attention particulière, sans faille aucune ; le tout tient en douze moments clé permettant la découverte à petits pas de ce secret de famille et le déroulement du parcours d’André, cet enfant sans père, « un accident » qui était si mal parti dans la vie. Et pourtant…

La dernière page tournée et le puzzle de ces vies croisées enfin reconstitué, on s’offrira le luxe de la relecture pour savourer le style inimitable de Marie-Hélène LAFON : des phrases courtes, pleines de poésie et de sensualité qui font de cet ouvrage un véritable petit bijou que l’on devine avoir été précieusement ciselé et soigneusement serti du mot juste à chaque ligne. Un pur régal !

Isis - Chaville - 79 ans - 3 février 2021