Dieu, sa vie, son oeuvre
de Jean d' Ormesson

critiqué par Hervé28, le 8 septembre 2020
(Chartres - 54 ans)


La note:  étoiles
Un livre déséquilibré mais intéressant
« Dieu, sa vie, son œuvre » est sans nul doute un des meilleurs titres que Jean d’Ormesson ait donné à un de ses ouvrages, à tel point qu’il avait protégé son titre, au niveau juridique, avant même d’avoir rédigé son roman éponyme. Ici ni recours à Aragon, ni à Toulet pour avoir un titre accrocheur.
Il faut croire que Jean d’Ormesson avait sans nul doute mis en avant le titre, avant de penser à ce livre, ( ce que d’ailleurs rapportera Sophie des Déserts dans son excellente biographie consacrée à Jean d’Ormesson « Le dernier roi soleil ») ce qui aura des répercussions sur la qualité de cet opus, qui je l’avoue est assez bancale, oscillant sans cesse, souvent de manière maladroite ou trop appuyée sur une histoire de la création du monde avec une lutte entre Dieu et Lucifer, et ses créatures, en particulier sur la vie de Chateaubriand.
Avant même de découvrir ce roman, ce titre me renvoie à mon enfance, époque où ce titre attirait fortement mon attention dans la salle à manger où nous prenions nos repas, salle à manger qui outre la table qui accueillait les 4 enfants que nous étions et mes parents, et dont les murs étaient entièrement couverts de bibliothèques avec des livres par milliers, que lisait mon père.
Parmi cet ensemble de livres mêlant histoires antiques, biographies de Racine et de Chateaubriand, la guerre des Gaules de César, en latin dans le texte, et la cité de Dieu, toujours en latin, et d’autres auteurs du XVIIéme, le grand siècle affirment certains, et une trentaine d’ouvrages de « la pléiade », figurait « Dieu, sa vie, son œuvre », qui à l’aune de mes jeunes années me paraissait comme un titre ô combien présomptueux voire blasphématoire ! Bien sûr, j’ai lu « Dieu, sa vie, son œuvre », il y a une vingtaine d'années dans la collection Folio, mais là, je le relis dans son édition d’origine, l’édition brochée, dont j’ai héritée à la mort de mon père. Et là, avec vingt ans d’écart, le regard que je porte sur cet opus est différent.
Avec ce roman, Jean d’Ormesson, auteur que je place au-dessus de tout, réalisait un roman fleuve, où les affluents étaient (un peu trop) nombreux. On y croise Stendhal , Rose Tascher de la Pagerie, qui ne s’appelait pas encore Joséphine de Beauharnais, Gabrielle Allart et sa fille Delphine, et aussi Hortense Allart, qui fera le bonheur du fils d’un capitaine du navire négrier l’« Apollon », un certain François Auguste de Chateaubriand, auteur que Jean d’Ormesson place au pinacle de la littérature mondiale, ainsi que ses « Madame», de Pauline de Beaumont à Nathalie de Noailles, en passant par Mme de Duras.
Mais en appuyant trop sur les considérations bibliques et de cosmologie, Jean d’Ormesson rend difficile la lecture de ce livre qui pourtant bénéficie de qualités indéniables, comme un puzzle que nous offre notre académicien composé d’Alexandre Dumas, d’Hortense Allart, de Chateaubriand, du nègre de Pontarlier, et de Stendhal. C’est bien amené dans un style littéraire que l’on ne retrouvera plus, à la fois léger et érudit.
Mais ce qui fait le charme de ce livre, c’est tout de même les multiples anecdotes que nous livre notre éternel académicien. Je reste époustouflé par son érudition, ses connaissances littéraires et historiques qui font qu’au final, nous ressortons plus intelligent après avoir lu « Dieu, sa vie, son œuvre »
Au final, le roman sera si déséquilibré entre une certaine biographie de Dieu, celui d’avant la création du monde et la vie de Chateaubriand, que Jean d’Ormesson optera l’année suivante , sur les remarques de Malcy, son éditrice et sa muse, pour une option beaucoup tranchée, celle de la biographie plus classique, à travers « Mon dernier rêve sera pour vous », un très beau livre consacré à Chateaubriand, l’auteur préféré de Jean d’O (il lui dédiera d’ailleurs un album de la pléiade, très réussi d’ailleurs).