L'année des dupes Alger 1943
de Jacques Attali

critiqué par Colen8, le 2 août 2020
( - 82 ans)


La note: étoiles
Quand s’est joué le sort de l’Algérie
L’histoire des Juifs en Algérie dont il est ici question lève le voile sur un épisode sombre de la colonisation. Loin d’être à l’honneur ni des républicains ni des démocrates des pays concernés ses conséquences s’en font encore sentir des décennies plus tard. C’est un récit peu connu du public, haletant dans son découpage, sobre dans son expression et ses commentaires, précis sur la chronologie des événements, surprenant sur les jeux de pouvoir entre protagonistes, documenté par des centaines de sources bibliographiques.
Il a Impliqué les forces américaines et britanniques, l’armée d’armistice stationnée au Maghreb restée fidèle à Vichy donc opposée à De Gaulle, les résistants gaullistes sur place dont une bonne part de juifs, les colons français et européens vichystes, violemment antisémites pour les uns, seulement indifférents pour les autres au sort des populations dites « indigènes » qui regroupent juifs et musulmans(1).
On est au cœur d’un moment crucial quant à l’issue de la Seconde Guerre mondiale lors du débarquement allié du 8 novembre 1942 en Afrique du Nord et de ses suites. Que de confusion, d’improvisation, de complots, de trahisons, d’ambitions, de rivalités pendant que les combattants sont envoyés au front dans de piètres conditions !
Les priorités des belligérants à ce moment-là sont l’accès aux ressources pétrolières irakiennes pour les alliés, à celles de l’Union Soviétique pour les puissances de l’Axe sans qu’il soit question ni de régimes politiques ni de valeurs démocratiques, encore moins de libérer les algériens juifs et musulmans tentant de survivre à la misère la plus noire.
Le réquisitoire présenté par Jacques Attali d’une sévérité sans appel, revient sur les causes de la révolution à venir dès 1954 pour aboutir aux accords d’Evian et à l’indépendance de l’Algérie. En même temps il plaide pour que chacun puisse s’épanouir, fasse en sorte que ses identités multiples s’additionnent, que les origines diverses de tous se fécondent sans rien retrancher à qui que ce soit.
(1) Le décret Crémieux de 1870 qui avait accordé d’office la citoyenneté française aux 30 000 et quelques juifs des trois départements algériens a été aboli en 1940, ce qui les a ramenés au statut humiliant défini par le code de l’indigénat resté en vigueur pour les musulmans.