Laura Willowes
de Sylvia Townsend Warner

critiqué par Lobe, le 28 juillet 2020
(Vaud - 29 ans)


La note:  étoiles
jamais perdues ne seriez
Laura Willowes commence comme le plus typique des romans anglais : nous voilà projeté·e·s au dix-neuvième siècle, sur la propriété des Willowes, dans le Somerset. Le père de Laura venant de mourir, et celle-ci n’étant pas mariée, il est tout naturel qu’elle suive l’un de ses frères pour habiter dans son ménage. Le roman s’attache dès lors à ses bottes de vieille fille, d’abord pour revenir sur la vie de cueillettes et de décoctions qu’elle a menée jusque-là, puis pour dérouler sa nouvelle existence londonienne de Tante Lolly. En milieu de seconde partie, elle change à nouveau de cadre, lorsque, sensible à une voix intérieure qui ne la lâche pas, elle part s’installer dans un village perdu des Chilterns, Great Mop (« Grande Serpillère »). C'est là que tout arrive, le bucolique et ce qui l'est moins.

C’est un roman enlevé, vif, drôle et, l’air de rien, très mordant, qui croque avec ses petites dents de chaton avides bon nombre des règles sociales de l'époque victorienne... et d'aujourd'hui. Qui mordille avec style et délicatesse, mais non sans ironie. C’est un roman qui montre à ses lecteur·rice·s qu’ils et elles ne sont pas en terrain conquis ; et les normes non plus. C’est un livre de fantaisie, à sa manière, et c’est qui un livre qui émeut en diable.

Laura Willowes, roman paru en 1926, fait connaitre son autrice comme un nouveau talent littéraire, est sélectionné pour le Prix Femina et gagne le premier prix Book of the Month aux Etats-Unis. Après ce premier essai, Sylvia Townsend Warner continue d’écrire : des nouvelles, notamment publiées dans le New Yorker, six autres romans, des poèmes, des biographies, des traductions, des correspondances suivies. Ce n’est que justice qu’elle apparaisse enfin sur Critiques Libres : quelques années avant Virginia Woolf et sa "chambre à soi", Sylvia Townsend Warner avait dépeint brillamment ce que cela pouvait être, tournant le dos aux conventions, de s’établir dans sa campagne à soi.