Les Demoiselles
de Anne-Gaëlle Huon

critiqué par Nathavh, le 24 juin 2020
( - 59 ans)


La note:  étoiles
une pépite
1923, Fago, un petit village d'Espagne. La pauvreté menace de séparer Rosa - 15 ans - et sa soeur adorée Alma - son aînée de 2 ans - de leur grand-mère. Pour éviter cela, Rosa convainc Alma à prendre la route avec d'autres filles du village, celles que l'on nomme "les hirondelles". Elles partent pour six mois, traversant les dangereuses montagnes à Mauléon dans le Pays Basque, pour y travailler et se constituer un trousseau pour se marier. C'est Carmen qui en est à son troisième voyage qui les guidera accompagnée de Pascual, un berger qui rêve lui aussi de liberté et de faire fortune.

Dans six mois, des économies dans les poches, Alma et Rosa retrouveront leur abuela et tout ira bien se dit Rosa. Malheureusement rêve et réalité sont souvent tout autre, c'est le destin qui décide. Il sera tragique pour Rosa et à plus d'un titre. Une sacrée petite nana qui devra en découdre avec Carmen et Sancho, le contremaître..

Oui car Mauléon, c'est la capitale de l'espadrille, une industrie en plein essor qui emploie des "petites couseuses" de l'automne au printemps pour constituer les stocks. Le travail est dur et harassant, la vie ne fera pas de cadeau à Rosa mais elle y croisera une française qui l'intrigue, Colette avec qui elle sympathisera.

De fil en aiguille, elle rencontrera "Les demoiselles" qui occupent la maison du même nom, Mademoiselle Thérèse, une institutrice qui lui apprend le français, Mademoiselle Véra, une cocotte exilée de Paris , Lupin, le majordome noir, Marcel le chauffeur, Bernadette la cuisinière et "Gédéon" un perroquet grivois.

C'est un autre univers qu'elle découvre, ici on fait la fête, on boit du champagne millésimé tous les jours, on festoie, l'argent coule à flot mais hors de question d'être oisif, il faut travailler.

Qui sont ces femmes ? Que font-elles au village ? Ces femmes vont changer la vie de Rosa. Elle aime dessiner, n'a pas peur de travailler, elle va prendre sa vie en main.

Je découvre la plume d'Anne-Gaëlle Huon avec ce livre et je suis conquise ♥ Quel petit bonheur ! Dès les premières pages j'étais sous le charme. Détrompez-vous, ce roman aux allures feel good n'en est pas un. C'est une petite merveille ! On apprend des choses intéressantes sur le pays basque, sur Mauléon et l'histoire de la chaussure car Mauléon n'est pas que la capitale de l'espadrille, c'est aussi le berceau des Pataugas.

Autre sujet abordé avec tendresse c'est l'histoire des "cocottes", des courtisanes des années 20 qui construisaient leur fortunes en partageant leurs charmes, on parle de Paris, des Folies Bergères, de la vie de la nuit, du music-hall. La musique a une place importante, du charleston des années 30 à l'arrivée du rock and roll. On croise des personnages célèbres comme Chaplin, Dior, et bien d'autres.


Ce récit c'est aussi la vie de femmes un peu cabossées par la vie, d'amour, de bienveillance, de la force et de leur énergie pour changer de destin et se prendre en main.

L'écriture est très belle, bienveillante, sensible, lumineuse. Les personnages hauts en couleur sont attachants, attendrissants. ils ont une profondeur. On les quitte difficilement.

C'est un roman qui fait du bien et quelques jours après la lecture , Rosa est toujours dans un coin de ma tête, on ne l'oublie pas.

C'est beau, une petite pépite. C'est fou ce que ce livre fait du bien.

Lisez-le.
Pour ma part, je pense que vous avez compris c'est un très gros coup de coeur . ♥♥♥♥♥


Les jolies phrases

L'espoir ce n'est pas de croire que tout ira bien, il a soufflé. Mais de croire que les choses ont un sens.

Tu peux faire tout ce dont tu rêves, Paloma. Le destin, ce n'est pas une question de chance. C'est une question de choix.

C'est drôle comme les plus grands moments d'une vie tiennent souvent dans un seul instant.

J'ai la tête là où les poules ont les oeufs !

Si le style et l'écriture différaient, l'idée restait la même : tous ces hommes étaient fous de celles qui se refusait à eux.

Colette était amoureuse de l'amour mais jamais de ses amants.

Tu peux être l'esclave de tes passions, mais jamais d'un homme, sermonnait Véra. Notre liberté est fragile. Le coeur ne doit pas s'en mêler.

L'amour n'a pas d'âge et le bonheur n'a pas de rides.

L'amour n'exclut pas la haine.

L'amour, c'est comme le cheval, Paloma ! Quand on tombe, faut se remettre en selle.

La vie prend parfois de drôles de détours pour nous ramener à l'essentiel.

Cet homme était noir. Plus noir que la nuit, plus noir que les ombres, plus noir que le précipice qui avait englouti Alma. Ses bras étaient aussi larges que ma tête et ma tête lui arrivait aux hanches. Une montagne croisée avec un cacaotier. Il a souri, révélant une rivière de dents plus blanches que le lait. Puis d'une voix de l'au-delà il m'a demandé si je voulais du thé.
Le symbole d'une époque 8 étoiles

Dans les années 1925 - 1940, les « hirondelles » étaient ces ouvrières qui venaient d’Espagne à pied pour travailler comme couseuses d’espadrilles, spécialité alors en plein essor de Mauléon, petite ville du Pays Basque.
Rosa, personnage principal du roman, est l’une de ces hirondelles. Elle est hébergée à la maison des Demoiselles, où logent également des « horizontales », courtisanes venues de Paris après avoir abandonné leur activité lucrative.
Livre passionnant, d’une belle écriture simple, qui fait revivre ces années avec beaucoup de descriptions conformes à la réalité historique, sans oublier les exils, notamment en Argentine, en raison des difficultés de la vie de l’époque. Personnages imaginaires ou ayant existé se mêlent, l’autrice à la fin du roman distinguant le vrai de la fiction.

Bernard2 - DAX - 74 ans - 28 novembre 2020