Rhapsodie des oubliés
de Sofia Aouine

critiqué par Fanou03, le 24 juin 2020
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
La complainte de la Rue Léon
La Rhapsodie des oubliés est la chronique d’une rue du quartier Barbès, dans le dix-huitième arrondissement. Mais que nous sommes bien loin du récit mélancolique et doux-amer d’un Olivier des Allumettes Suédoises nous contant la vie de sa rue Labat dans les années 1930 ! La vie y était déjà dure mais une forme de solidarité et de chaleur humaine permettait peu ou prou d’y faire face en partie. L’Olivier du vingt-et-unième siècle s’appelle Abad, il est libanais, il est plutôt seul et animé d’une grande rage dont il a besoin pour survivre dans l’univers délabré et violent de la Rue Léon.

L’appétit de sexe, de pouvoir et d’argent, qui gangrène le monde n’a en effet pas épargné la rue Léon, bien au contraire. La pauvreté y concentre les exclus et les exilés dans une complainte désespérée. Dans cette description assez crue que nous fait Sofia Aouine, même les bêtises de Abad et de ses potes pré-adolescents obsédés par les filles ont tôt fait de ne faire plus rire, d’autant plus que très rapidement les échappées belles des loustics vont se retourner contre eux de bien cruelle façon.

La langue de Sofia Anouine porte toute la vigueur du parler populaire en une poésie qui prend soin du rythme des mots. Elle souhaite s’inscrire résolument dans une tradition du roman social, comme le prouve la référence explicite à Émile Zola à travers son personnage de Gervaise, la prostituée africaine qui veut devenir blanchisseuse et qui a une fille qui s’appelle Nana, comme la Gervaise de l’Assommoir. Le livre finit malheureusement (mais comment cela pourrait-il en être autrement ?) à être extrêmement pesant, du fait d’un propos qui tend au misérabilisme et qui manque un peu de souffle.
Rue Léon 7 étoiles

« Ma rue raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s'appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans ».

Le ton est donné dès les premières lignes.
Ce premier roman m’a fait sortir de ma zone de confort.
L’auteur nous invite à suivre le quotidien d'Abad, un adolescent d'origine libanaise de 13 ans qui vit dans le quartier de la Goutte d'Or, de sinistre réputation, au cœur du XVIIIe arrondissement de Paris.
J’avais l’impression de les suivre un peu comme regarder un film tellement les descriptions étaient précises.
Beaucoup de sujets évoqués : la pauvreté, la drogue, la prostitution, l’immigration, les réfugiés, les racines abîmées des enfants, violence, sexualité…
Une fin qui nous pousse à se poser bien des questions.
Un livre à découvrir...

Koudoux - SART - 59 ans - 28 septembre 2020