Fais-le bien et laisse dire
de Adeline Lafouine

critiqué par Débézed, le 22 juin 2020
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Vivre librement sa sexualité
Le 6 août 2014, la vie d’Adeline Lafouine, c’est le pseudonyme qu’elle utilise sur la Toile pour afficher les photos prises par son mari lors des séances libertines auxquelles ils participent régulièrement, bascule complètement. Une photo de son sein dénudé qu’elle a prise elle-même sur son lieu de travail au Parlement suisse de Berne, est publiée par le Neue Zürcher Zeitung créant immédiatement un scandale qui dépasse très largement le cadre de l’institution qui l’emploie. Dans les jours qui suivent, elle est licenciée, elle fait tout ce qu’elle peut pour disparaitre de la Toile et de tous les médias mais la mèche du scandale est allumée, rien ne peut arrêter l’incendie médiatique. Elle va devoir changer de vie.

Libertine, échangiste, masochiste, elle s’adonne à ses pratiques avec son mari qui la photographie lors de ses prestations. Sur les réseaux sociaux, elle se présente comme « Lubrique, gourmande et insolente ». Adeline et son mari sont des amateurs qui ne tirent aucun profit de leurs ébats pas plus que de leurs photos et vidéos. Elle mène une vie trépidante entre sa famille, elle a un fils, sa vie professionnelle, elle est secrétaire multilingue, et les jeux sexuels auxquels elle participe avant de les relater sur les réseaux sociaux.

Avec ce livre témoignage, elle veut donner sa version des faits, pendant cinq ans, elle a été pourchassée, lynchée, par les médias, de la presse aux réseaux sociaux en passant par les radios et les télés qui auraient bien voulu livrer sa version du scandale pour nourrir le feuilleton de la secrétaire libertine du Parlement. Mais, elle n’a pas voulu parler, elle a voulu préserver ce qui pouvait l’être : son fils, sa famille, les amis restés fidèles, la vie professionnelle de son mari. Peu à peu, elle réussit à se faire oublier mais elle conserve toujours des attaches dans le monde libertin, des fans et ses envies, des désirs et peut-être même des besoins…

Dans un premier temps, elle veut régler ses comptes, dire exactement qui elle est, la femme qu’elle est, la mère qu’elle est, l’employée qu’elle est. Elle veut aussi dire ce qu’elle a réellement fait, qu’elle reconnait, qu’elle regrette, et non pas tout ce qu’on lui prête. Elle ne cache rien, elle raconte comment elle vit le libertinage dans son couple, à titre strictement privé et toujours sans aucun intérêt pécuniaire, pour le plaisir, rien que pour le plaisir. Elle raconte aussi sa vie privée, sa famille, son travail, tout ce qui s’écroule en ce mois d’août 2014. Elle se demande, jusqu’où peut aller la liberté de la presse contre la liberté individuelle ? Maintenant, elle sait que tant qu’i y a de l’argent à gagner, il y a des malfaisants qui feront tout pour le récupérer. Tout le monde se souvient de l’affaire beaucoup plus dramatique portant le nom de la petite victime dans laquelle la presse a joué un bien funeste rôle.

Adeline l’admet elle a fait une grosse bêtise mais elle ne regrette surtout pas la vie qu’elle a menée et qu’elle mène encore mais plus discrètement même si elle a annoncé son retour sur les réseaux sociaux. Cette vie, elle la raconte dans la seconde partie de son livre depuis l’initiation au libertinage par son mari, la découverte de pratiques inconnues pour elle, jeune fille innocente mariée très jeune et maman très vite. Elle décrit comment elle a pris goût à la pluralité sexuelle, comment la douleur la stimule et plus encore comment la recherche de ses limites l’obsède. « L’excitation est plus forte que la douleur. »

Elle ne cache rien, elle décrit avec beaucoup de simplicité, sans aucune fausse pudeur mais beaucoup de détails comment elle affronte la douleur pour repousser ses limites et décupler son plaisir. « Les coups et les insultes pleuvent. C’est très excitant et très fort comme sensation. Je suis sur une autre planète ». « Pour moi, c’est une manière de me sentir vivante, de sentir mon corps, de sentir chaque muscle, chaque centimètre de peau. D’être livrée et d’être à la merci d’une personne qui aime m’avoir entre ses mains… ». C’est peut-être difficile à comprendre, à admettre, mais Adeline semble vraiment très attachée à ses pratiques où elle a la sensation de transgresser les meurs, la morale, les us et coutumes, la bonne pensée. « Ce sentiment de faire quelque chose d’interdit est vraiment très excitant ».

Aujourd’hui, est-elle arrivée au bout du long chemin qui conduit vers la quintessence du plaisir à travers le champ des douleurs ? Sa tête cèdera-t-elle avant son corps ? Elle ne sait peut-être pas encore elle-même. « Dois-je dire merci à Maître C. ou le maudire ? » pour avoir ouvert une porte à tous les fantasmes qu’elle avait rangés dans un tiroir, et qui sont à nouveau très présents, d’avoir créé une addiction impossible à dominer ?

Le plaisir est au bout d’un chemin qui est propre à chacune et chacun, alors pourquoi empêcher Adeline d’aller au bout du sien ?