Ce qu'il en reste
de Julie Hivon

critiqué par Libris québécis, le 30 avril 2020
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Avoir 20 ans
C'est bien connu, les jeunes de la vingtaine regimbent contre les adultes bien en selle. Qui peut mieux comprendre l'humanité que la génération des 20 à 30 ans ? Il n'est pas question de gâter son âme blanche au contact d'une société pourrie. Julie Hivon fait partager cette impression à ses personnages dans Ce q'il en reste.

Juliette est la narratrice de ce roman. Âgée de 22 ans, elle a quitté ses parents après le suicide de son frère Nicolas et s'est installée dans un appartement de deux pièces à Montréal, où, espérant vivre de son art, elle s'adonne à la peinture. Un soir de spleen, elle rencontre, dans un bar, Rose et Olivier, un couple de jumeaux qui l'envoûtent. En panne de transit après avoir eux aussi quitté leurs parents, ils trouvent refuge chez Mauve, surnom que s'est donné la narratrice pour l'occasion. Cette auberge espagnole compte en plus, sans parler de la chienne, un ami peintre venu les rejoindre pour s'épargner les frais d'un loyer et la femme d'un diplomate qu'ils ont sauvée à la suite d'une agression sauvage qui l'a rendue amnésique.

Julie Hivon fonde l'unité de son roman sur l'amitié. Dans la vingtaine, le cercle d'amis prime sur les liens familiaux. Les protagonistes forment donc une bande aussi serrée que celle des Trois Mousquetaires. “ Un pour tous, tous pour un ” pourrait aussi leur servir de devise. C'est ensemble qu'ils mettent en branle les moyens qui assureront leur indépendance pécuniaire. L'oeuvre fait ressortir le dynamisme qui anime les jeunes en voie de se faire une place au soleil. Au-delà de leurs préoccupations matérielles, on sent aussi le besoin de réussir leur vie. Pour y parvenir, ils règlent leurs comptes avec le passé, si douloureux soit-il. Comme l'inceste et le suicide composent la toile de fond de leur courte existence, les assises de l'avenir affichent des fissures menaçantes, d'autant plus que la mort, telle une secousse sismique, ébranle leur espoir. Heureusement, les naissances au sein du groupe leur apprennent qu'il faut assurer la suite du monde avec ce qu'il reste de ce que l'on a reçu, d'où le titre.

En somme, l'auteure soutient habilement une histoire tragique à laquelle on survit grâce à la générosité d'autrui. Malheureusement, on ne peut en dire autant de l'écriture. Elle manque de minutie alors que le dénouement relève plutôt de l'art du résumé que de la narration. Ces faiblesses n'ont pas suffi à un jury pour s'abstenir de lui accorder le prix Jacqueline-Déry-Mochon.